Nouveau guide impérial de Tamriel/Songes de Cyrodiil : Différence entre versions
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Il y a là les vestiges d'une vieille auberge dans laquelle j'avais séjourné à Havre-Tempête. Des squelettes calcinés se redressent sur leur chaise et salut ma présence en claquant des dents. Le parfum subtil de la lavande flotte dans l'air. Il est vite remplacé par l'odeur infecte de la viande pourrie. Au-dessus de moi, le ciel brûle d'un feu glacé. | Il y a là les vestiges d'une vieille auberge dans laquelle j'avais séjourné à Havre-Tempête. Des squelettes calcinés se redressent sur leur chaise et salut ma présence en claquant des dents. Le parfum subtil de la lavande flotte dans l'air. Il est vite remplacé par l'odeur infecte de la viande pourrie. Au-dessus de moi, le ciel brûle d'un feu glacé. | ||
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Version du 3 août 2018 à 10:10
Média d'origine : Édition Impériale de TES Online
Par Flaccus Terentius, de la Société Géographique Impériale, 2E581
Cauchemars de Havreglace
Je souffre de terribles hallucinations. Les visions me viennent même quand je suis éveillé. J'aimerais dormir, mais le sommeil est devenu un fléau. Il m'exile vers un endroit effroyable où la confusion, la terreur et la solitude rongent mon esprit, à l'image des vers qui grouillent dans ma poitrine. Je vois des rochers acérés en lévitation ; des promontoires déchiquetés ; des îles impossibles ravagées par de violentes tempêtes. Je crois qu'il n'y a plus d'espoir pour moi.
Suis-je endormi ? Ces objets sont des souvenirs oniriques. J'ai dû les juger assez important pour les dessiner, mais leur nature m'échappe. S'agit-il d'artefacts infernaux ? Et que dire de cet aveugle entouré de phalènes ? Je l'aperçois sans cesse au coin de ma vision, mais il n'est jamais là quand je me tourne pour le regarder. Qui est-il ? Peut-il m'aider ? Ou existe-t-il seulement sur cette page et dans ma tête ?
Ce royaume de cauchemar continu d'étendre son emprise sur mes heures d'éveil, et domine désormais totalement mes songes. J'ai l'impression d'y être en permanence. Serait-ce Tamriel, sous l'influence d'un puissant sort maléfique ? Je passe mon temps à me lamenter et à déambuler sur cette terre macabre. Même les éléments de relief qui en jaillissent semblent avoir subi d'atroces tortures. Mes bottes sont couvertes d'une vase bleue sombre. Le vent hurle et tire sur mon manteau, plus froid et mordant qu'un blizzard nordique. Mes yeux sont rouges, aveuglés par la suie et la poussière, mais il n'y a de toute façon rien de beau à voir. Des arbres squelettiques et tordus, des ruines oubliées, un décor noir et en lente décomposition. Des terres dévastées et hostiles. De faibles cris s'élèvent des charniers et des fosses d'esclaves. Des bruits métalliques et de déchirements me vrillent les tympans. Je pose mon regard sur l'eau acide à mes pieds, des créatures à la peau fine trottinent dans les roseaux ou glissent dans la boue. J'ai atteint une île sombre, mais je ne me souviens pas comment.
Il y a là les vestiges d'une vieille auberge dans laquelle j'avais séjourné à Havre-Tempête. Des squelettes calcinés se redressent sur leur chaise et salut ma présence en claquant des dents. Le parfum subtil de la lavande flotte dans l'air. Il est vite remplacé par l'odeur infecte de la viande pourrie. Au-dessus de moi, le ciel brûle d'un feu glacé. La nuit dernière, un magicien dunmer m'est apparu dans ce rêve. Il a semblé aussi surpris que moi de cette rencontre. Il m'a révélé son nom, Malkur Valos, et m'a expliqué que nous nous trouvions dans un endroit appelé Havreglace, le plan d'Oblivion de Molag Bal. « Et vous n'avez rien à y faire. J'ignore comment vous êtes arrivé ici, mais je vous conseille de partir et de ne jamais revenir. » Je l'ai supplié de m'aider, mais il avait déjà disparu. Malgré le vent j'ai entendu les échos distants de son rire moqueur.
Mon cauchemar est sans fin. Le vent fétide glace mes os et sape mes forces. Ce fluide nacré serpente lentement à la manière d'une rivière, mais il luit d'une abjecte teinte bleutée, et des formes indistinctes s'agitent sans cesse sous sa surface. Le sol couvert de cendres me rappelle désagréablement le gris des yeux morts du corbeau que j'avais découvert dans la cave du manoir quand j'avais quatre ans. Son cadavre m'a hanté pendant de nombreuses années.
J'erre seul et effrayé, dans l'indifférence la plus totale. Je peins les murs menaçants et les portes oppressantes de ma prison. C'est bien ça ! Ma terrible révélation. Le monde, domaine, ou plan de Havreglace n'est rien d'autre qu'une immense prison… Même pour ses maîtres ! Mais pourquoi ? Quel est l'intérêt de ces petites cellules de briques et de ces salles scellées aux verrous inviolables ? Pourquoi créer des prisons dans une prison ?
Je crois que je me souviens de mon guide : un autre prisonnier de ce cauchemar éveillé. Son nom… Comment s'appelait-il ? Le Pénitent ? Mon esprit cherche constamment à me tromper, alors que ce ne sont peut-être là que les divagations d'un nigaud. Je me souviens de sa voix, mais plus de son apparence. Mes souvenirs sont de plus en plus confus, engloutis peu à peu par les ténèbres. Ai-je vraiment vu ce guide ? Oui. Oui ! Mes guides me sont apparus ! Les Pénitents sont nombreux. Ce sont des carcasses vides et desséchées, totalement soumises à la volonté de leurs maîtres. Ils parlent lentement et dans de timides murmures, leurs langues sont partiellement coupées. Des ragnards grouillent à leurs pieds et mordillent leurs orteils. Formes impotentes ; statues animées. Enveloppes pitoyables, mais renfermant un fragment d'âme vivante. Tristes, effrayées, perdues.
Les visages émaciés des guides se détachent de ma vision. Je tourne mon regard vers une cellule dans laquelle est enfermée une Nordique imposante et pleine de vie, très différente des serviteurs atrophiés des Daedra. Titanis, les Pénitents l'appellent. Lyris Titanis. Elle ne peut pas me voir (mon essence est encore indistincte et difforme) mais je la vois prier ses dieux. Ses efforts sont vains : les huit Divins ne peuvent pas entendre nos cris, ici. La Nordique a été mise au travail. Elle trime avec les autres esclaves. Ils obligent tout le monde a travailler : Argoniens et Altmers abattent leurs pioches sur d'immenses tas de roche. Dunmers et Rougegardes, privés de leurs beaux atours, transportent péniblement les pierres jusqu'aux milliers de murs en construction. Brétons et Impériaux, misérables maçons déguenillés, gravent inlassablement des symboles, des runes… et ce visage malveillant sur tous les nouveaux édifices. Point de corvée pour moi : j'échappe encore à leur autorité. Plus pour longtemps, m'ont-ils assuré… plus pour longtemps. Bientôt, je serai totalement présent dans leur domaine. Je rejoindrai les rangs de ces malheureux désespérés, condamnés à un labeur absurde, à la merci des caprices de leurs maîtres dépravés. Dans ce paysage dévasté, volé. Volé ? En Tamriel ? Oui !
Les infâmes Dremora, Daedra maudits au service des Maîtres. Qu'il prenne l'apparence d'un adepte du Ver ou celle d'un grand duc accablant les opprimés, ils n'existent que pour railler et tourmenter les vivants. Regardez leurs armes et leurs armures ! Volées, comme tout le reste ! Ils sont incapables de créer, seulement de copier. Leurs objets ont des formes volées aux mortels, grossièrement assemblées, imitées et caricaturées.
Un vil pillage des plus grandes qualités des hommes et des Mer. Progrès militaires et culturels. Idées novatrices et sagesse commune. Traditions sacrées et évolution moderne. Je suis face à leur reflet dans un miroir sombre et déformant. J'observe le mimétisme pervers des Markinaz. Je constate la soumission fulminante des faucheclans. Et les blessures de Markarth s'ouvrent à nouveau, écorchées et brûlantes. Araignées daedriques. Haineuses et détestables. Mais si vous vous perdez dans leur terrible domaine ? Si vous ne savez plus quoi faire ? Alors vous avez besoin d'elles. Je m'attendais à être ficelé dans leur soie et lentement dissous par leur venin. Mais un accueil amical ? Une conversation joviale ? Seulement si vous pouvez croire que ces créatures sont capables de compassion… Elles tissent leur toile pour Molag Bal. Elles veulent me convaincre d'en finir, pas m'y contraindre. Je reste dans ma hutte sur l'île, un refuge dénué de toute chaleur. On frappe à ma porte… à minuit. Khefletak entre d'un pas nonchalant : c'est un Xivilai, un Daedra brutal et cruel. Ce démon m'a férocement écarté les mâchoires pour me faire parler, et je lui ai tout dit. Tout ce que je savais sur Honoria. Sa recette de petit pain préféré. Les savons qu'elle utilise pour son bain. L'odeur de son oreiller et de ses onguents. Pendant que je pleurais, il a rit : il a dit qu'il allait la trouver, lui rendre visite et…
Je ne dois pas y penser. Non, je dois bannir ces pensées de ma tête. Qu'est-ce que je fais ? Je suis censé écrire un guide, consigner tout ce que je vois. Oui, oui, oui. Je vois des Daedra. Je vais créer un guide sur les Daedra. Il sera peut-être utile. Mais à qui ? Aux érudits impériaux ? Peindre me permet de conjurer les ténèbres qui envahissent les recoins de mon esprit. Je dois tout noter. Laisser un carnet plein pour mes funérailles… Les Ogrims. Ce sont des Daedra. À quoi ressemblent-t-ils ? Je vais les dessiner, de face et de dos. Un corps écailleux, couvert de pointes. Des mains bestiales. Des ongles négligés, comme ceux d'un géant. Des picots, des verrues et des yeux brillants et méfiants. Que font-ils ? Je dois l'écrire : ils surveillent. Ils sont stupides, mais forts. Cruels envers leurs subalternes. Ils ne parlent pas, il grognent. Ils guérissent trop vite pour saigner. Hmm, je me demande ce qui s'écoulerait de leurs plaies, s'ils saignaient ? Je dois me concentrer. Dessiner chaque détail. Ne rien oublier. Visualiser les griffes qui s'enfoncent dans la chair pâle de ce Roncecoeur. Si fragile, comme un porcelet rôti… Et cette alcôve dans le coin pour la boussole. Tant de barbarie. Vous entendez ces souffles légers ? Non ? Écoutez ! Non, je préfère oublier. Non, non, non. Mon premier amour s'appelait Iris. Je me souviens de son armure cloutée. Elle paradait dans Bravil comme si la ville lui appartenait. Elle est morte au combat.
J'aimerais être aussi doué à l'épée que mon frère. Mon exécution pour le meurtre du trop ambitieux Émeric, de Jorunn le geignard ou de cette prétentieuse d'Ayrenn m'aurait valu une place à la droite de Réman dans l'au-delà. Le rêve a confirmé ce dont je me doutais depuis déjà longtemps : nul ne construit aussi bien que l'empire. Aucun artisan ne peut rivaliser avec les Impériaux. Mais alors, est-ce de la jalousie ? Les provinciaux cherchent-ils simplement à détruire ce qu'ils ne peuvent égaler ? Quand je pense que j'ai fraternisé avec ces traîtres. Que l'Oblivion les emporte tous ! Non… Je me trompe. Les différentes Alliances ont certes attaqué ma chère Cyrodiil, mais elles ne sont pas à blâmer pour cette guerre. Encore une fois, c'est le Prince Daedra Molag Bal, son champion Mannimarco et tous leurs pantins aveugles qui en sont cause. Le Culte de la Pierre de Feu se déchaîne. Tamriel est plongé dans le chaos. Les petits différends diplomatiques entre les provinces sont devenus des désaccords irréconciliables.
Une brève composition avant mon imminente décomposition. Le cauchemar a commencé par un son étouffé de trompettes. Puis le silence. Le tintement d'une cloche. Même le vent s'est tu. Et soudain, le hurlement grinçant du métal qui se déplie. Des chaînes monstrueuses sont descendues du ciel ; des griffes gigantesques ont amené les Daedra sur Nirn et tiré les âmes mortelles vers Lui. Ce sont les ancres noires de Molag Bal, forgées par les esclaves de Havreglace. Je les ai vues ! Je les vois toujours !
Ils ne voient donc pas ? Les ancres noires s'abattent sur Cyrodiil ! Douce Mara, elles transpercent et mutilent nos pierres sacrées, nos glorieux remparts, pour dévorer la Cité Impériale. Le ciel va s'ouvrir, et les Daedra vont venir. D'abord les plus faibles. Puis ceux qui veulent festoyer. Et ensuite, Molag Bal va lâcher les Titans. Les Titans daedriques ! Des créatures immenses, ailées et impitoyables. Les huit Divins nous ont abandonnés.
Carnage aveugle. La flamme de Cyrodiil vacille et meurt, soufflée par une horde d'enragés et d'affamés. Nobles et serviteurs, nul n'échappe aux crocs acérés, aux lames cruelles, aux griffes putrides, aux becs ou aux serres. Et Molag Bal profite du spectacle depuis son palais de Havreglace, entouré de ses innombrables effigies, et il exulte en se gavant de toutes ces âmes mortelles.
Le seigneur de la brutalité est insatiable. Plus il absorbe d'âmes, et plus il en réclame. Alors que l'étau se resserre et étouffe Tamriel, plus rien ne peut contenir son pouvoir. Les autels sacrificiels ne sont plus suffisants. Pas plus que les complots occultes destinés à abattre les derniers champions de l'espoir. Alors, il les convoquera… ses terribles moissonneurs. Et il faucheront pour lui, encore et encore. Et comment s'y prennent-ils ? En dansant joyeusement ? En jouant de la flûte et du tambour pour convaincre votre âme de les suivre ? Non ! Ils l'arrachent, ils l'aspirent, ils la prennent de force ! Ils manipulent habilement la magie du Néant. Ils vous obligent à affronter le grand vide. Ils vous prennent au piège, fouillent dans vos faiblesses et ravivent vos peurs pour mieux vous asservir. Ils haïssent avec amour et aiment avec haine...
Le triomphe de Molag Bal est total. Tous les mortels de Mundus ont été consumés. Nous rampons dans son sillage infect, esclaves de ses désirs grotesques pour l'éternité. La maison invisible a disparu. Le cadavre sur l'île est assis les jambes croisées. Ses yeux révulsés sont enfin vides de larmes. Le rire a fini par décrocher sa mâchoire. Ses bubons suintent abondamment. Un épais liquide verdâtre s'écoule des nombreux abcès et pustules qui couvrent sa peau. Ses mains tranchées dansent sur un rythme saccadé, guidées par d'indiscernables ficelles. Finalement, le corps est tiré vers l'avant par des complices invisibles, avant d'être abandonné au bord du précipice. Je tombe dans les bras d'Honoria. Je batifole avec elle dans les prairies de ma jeunesse. Je me réveille dans le lit conjugal, confortablement installé dans des draps propres et chauds, ma bien-aimée blottie contre moi. Je me projette dix ou vingt ans en avant. Je raconterai ces histoires à mes enfants. Et un jour à mes petits-enfants. Non, non, non. L'amas grouillant de vers noirs s'ouvre pour m'engloutir. Non. Non, non !
MOLAG BALMOLAG BAL
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