Journal de Rultari

De La Grande Bibliotheque de Tamriel
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Média d'origine : TES Online

Par Rultari


L'intendant est venu de la ville pour voir père, aujourd'hui. Il a toujours été un peu pincé, mais son expression aujourd'hui paraissait plus sincère, comme s'il était vraiment inquiet, pour la première fois depuis longtemps. Il est aussi moins bavard que d'habitude. En temps normal, il n'aurait pas manqué de nous rappeler combien il est important et occupé. Mais aujourd'hui, je ne lui ai pas tiré un mot. Père me donnera peut-être des détails pendant le souper.

***

Père était parti presque toute la journée d'hier. Il n'est rentré à notre propriété que bien après la nuit, et le vacarme m'a tiré du lit. Il avait quelques dizaines de personnes derrière lui, principalement des marins à voir leur tenue, et presque autant de gardes. Je supposais qu'il voulait faire emporter quelques-uns de nos objets précieux sous couvert de la nuit. Il les a menés aux cryptes. Tout cela paraissait très clandestin. J'attendis près d'une heure près de la fenêtre, dans le noir, dans l'espoir qu'un autre signe m'apprenne le sens de tout ceci. Mais lorsqu'il est ressorti, il était seul.

***

À mon réveil ce matin, le garde de la maison était posté devant ma porte. On m'a expliqué que la famille devait rester dans le manoir jusqu'à nouvel ordre, sur instruction de mon père. Je l'ai mal pris. J'espérais faire appel de sa mesure tyrannique en me postant devant sa chambre pour le prendre en embuscade dès qu'il rentrerait. J'ai ainsi passé petit déjeuner, déjeuner et dîner à faire les cent pas dans le couloir comme un lion en cage. Mais il n'est pas venu. Ce soir, je dors devant sa chambre.

* * *

Je porte une bosse sur la tête, due à la porte de la chambre de mon père. Un éveil des plus brutaux, grâce à ma mère perplexe. Après m'avoir tancé pour mon comportement ridicule, elle a pris pitié de moi, et m'a expliqué ce qu'elle savait de l'étrange comportement de mon père. Une flotte de pêche en haute mer est entrée au port avec une prise royale, faite quelques jours plus tôt. Mais plusieurs marins sont entre-temps tombés malades. Père les a tous fait mettre en quarantaine dans la crypte, pour étudier leur état.

* * *

L'intendant nous a rendu une nouvelle visite. Son expression m'a fait penser qu'il n'avait pas de bonnes nouvelles. D'autres arrivants ont rejoint les cryptes sous notre propriété.

* * *

Cela fera bientôt deux semaines que Père n'est pas venu nous voir. Depuis le début de cette affaire. D'ailleurs, il n'a sans doute pas vu la lumière du jour. Cela ne doit guère être bon pour sa santé. J'espère qu'il n'est pas malade. Je ne sais pas comment il peut le supporter, car je vais finir par perdre la raison dans cette prison dorée. Mais au moins, j'ai des fenêtres pour me rappeler qu'il existe un monde au dehors. Il aurait dû renvoyer ces marins en mer.

* * *

Je perds peut-être la notion du temps, mais on dirait que les habitants de la ville se pressent chaque jour plus nombreux à nos portes. Comme j'aimerais me calmer les nerfs avec un verre de vin. Mais il n'en reste pas une goutte. Je ne me rappelle pas la dernière fois que l'on a rempli un verre avec de l'eau dans cette maison. Quelle sombre époque.

* * *

J'ai entendu des gardes discuter de l'agitation croissante en ville. Il semble que nous ne soyons pas les seuls prisonniers. Mon père a ordonné que personne n'entre ou ne sorte de Corgrad avant la fin de cette épidémie. Puisque cela dure déjà  depuis des mois, je comprends ces protestations. Nous ne pouvons qu'attendre, en espérant que la maladie nous épargne.

Ceux qui sont arrivés de la ville alors qu'ils sont très malades n'ont presque plus rien de commun avec des Mers. Même drapés dans des capes pour préserver leur dignité lorsque les brancardiers les descendent dans les cryptes, on distingue clairement leur corps difforme. Que deviennent ceux qui ont forcément dû succomber depuis ? L'idée me terrifie.

* * *

Je n'aime guère boire à l'écritoire, mais j'ai eu grand soif toute la journée. On dirait que je ne peux qu'à peine passer quelques minutes sans m'humecter les lèvres, sans quoi ma langue me paraît sèche comme une râpe. Nous avons de la chance, nous disposons de notre propre puits. Si je devais marcher en ville chaque fois que j'ai soif aujourd'hui, je serais soit très en forme, soit épuisé.

* * *

Clément Stendarr, aidez-nous. Je ne peux m'arrêter. Je bois jusqu'à en vomir, mais j'ai si soif... Faites que cela s'arrête ?