Journal de Japhet
À mon départ d'Aubétoile, j'ai été rejoint par un groupe plus modeste que prévu. Apparemment, la rumeur locale veut que l'île soit totalement inhabitable : des histoires d'esprits et de climat défavorable. Peu importe, cela ne laissera que plus d'espace aux plus loyaux, bien que la construction de la citadelle en sera d'autant plus laborieuse.
Le premier hiver a été rude et beaucoup ont préféré retourner auprès de leurs familles sur le continent. Voyons cela comme une sélection naturelle salutaire : que les hommes de peu de foi, les faibles et les moins courageux s'en aillent, nous nous passerons bien d'eux.
Les histoires de fantômes qui hantent cet endroit ne sont que des fables... qui en ont cependant fait fuir encore quelques-uns, prompts à pleurer comme des enfants effrayés par leur propre ombre au coin du feu. Mes plus proches partisans et moi restons sereins, et toujours vaillants.
Après tout, je n'ai guère besoin de compagnie. Le froid et le vent semblent s'être unis pour chasser les derniers spécimens de ceux qui se prétendaient mes compatriotes. Ces bons à rien, que les dieux les emportent ! Puissent tous ceux qui poseront le regard sur la forteresse de Japhet frémir en pensant au grand homme qui parvint à conquérir l'île maudite.
Voilà que même mes plus fidèles passeurs ont mis un terme aux ravitaillements réguliers en nourriture et en matériel à la forteresse. Je dois maintenant me suffire à moi-même et cultiver la terre, comme mon père l'a fait avant moi.
Les pierres sont partout et mes récoltes bien maigres, mais je n'abandonnerai pas ma plus grande création. Je tiendrai droit dans la tempête, et je repousserai les fantômes, et je hurlerai contre le vent, tant et si bien que l'on chantera longtemps les louanges de ma fière colonie.
Je commence à croire que ces histoires de fantômes ne sont pas tout à fait dénuées d'un certain fond de vérité. À moins que ce soit la faim qui parle...
Les fantômes me parlent maintenant, et plus je mange de ce lichen glacé, plus je les entends clairement. Ils me disent que j'ai fait une erreur en venant ici. Comme si je ne le savais pas déjà !
PAR LES DIEUX AIDEZ-MOI