Tel que raconté par Nalae-Polek, Poète lauréat du Potentat Versidue-Shaie
Il était une fois, en terre akaviroise, une jeune astucieuse du nom de Kail-Perwa. Elle tissait les mots comme une araignée tisse sa toile, charmante et séduisante. Mais sa langue agile habitait une bouche vaniteuse.
- Mort ou vif, nul en Akavir n'égale mon esprit !, proclama un jour Kail-Perwa.
Ses parents tentèrent de la faire taire, mais Kail-Perwa refusa de reprendre ses paroles. Elle les répéta une fois, deux fois, trois fois. Et cette troisième fois, ses paroles étaient si sûres et fortes qu'elles rebondirent jusqu'à l'au-delà.
- Personne n'est aussi intelligent que moi !
Tous les ancêtres de Kail-Perwa s'offusquaient de ces paroles, mais un esprit en pris encore plus ombrage. C'était l'esprit du général Haro-Banar, à qui son intelligence avait valu de nombreuses grandes victoires. Le général avait toujours été modeste quant à ses accomplissements, et regrettait que sa descendante ne suive pas son exemple.
- Kail-Perwa s'affirme plus intelligente que quiconque, mort ou vivant, proclama le général. Je vais me rendre au monde des vivants, et constater ses paroles par moi-même.
Le général Haro-Banar était très honoré par les vivants, aussi son esprit était-il assez fort pour quitter l'au-delà et s'aventurer dans le monde mortel. Il le fit, et troqua son apparence fantomatique pour celle d'un guerrier en armure dorée. Rapide comme le vent, il se rendit au village de Kail-Perwa pour la rencontrer.
Le général trouva Kail-Perwa en bordure de son village, à cueillir des herbes pour sa maison. Un instant, il hésita, car le général savait sa descendante aussi dévouée qu'intelligente. Aussi décida-t-il de lui laisser une dernière chance de renoncer à sa fanfaronnade et de vivre dans la modestie.
- Je cherche Kail-Perwa, annonça le général Haro-Banar pour se faire connaître. Est-ce bien vous ?
- Oui, c'est bien moi, confirma Kail-Perwa en essuyant la terre sur ses paumes.
- Vous vous prétendez, m'a-t-on dit, plus intelligente que quiconque, vivant ou mort. Est-ce bien vrai ?
Kail-Perwa se redressa de toute sa taille, et lança au général un sourire assuré.
- Oui, c'est vrai, nul n'est plus intelligent que moi.
- Que voilà une affirmation colossale, répondit le général d'un ton plus froid. Après tout, comment vous comparer aux morts ?
- Si l'un des morts s'en offusque, répondit Kail-Perwa en haussant les épaules, qu'il vienne se comparer à moi ! Après tous, les esprits peuvent bien se rendre sur la terre des morts…
- Très bien, concéda le général avec un hochement de tête solennel. Ces trois prochaines nuits, vous recevrez la visite des plus intelligents de vos ancêtres. Battez-les, et votre fanfaronnade deviendra vérité.
Soudain, Kail-Perwa prit peur. Comment cet inconnu pouvait-il affirmer une telle chose ?
- Qui êtes-vous ?, demanda-t-elle d'une voix tremblante.
- Celui qui viendra vous voir la troisième nuit, répondit le général Haro-Banar d'une voix forte avec un regard noir. Celui qui te couronnerai la plus intelligente de toutes, si tu l'emportes. Et celui qui te punira, si tes fanfaronnades n'étaient que paroles en l'air.
Et sur ces mots, il disparut.
