L'exode

De La Grande Bibliotheque de Tamriel
Révision datée du 23 mars 2020 à 18:06 par Goultard (discussion | contributions)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)
Aller à : navigation, rechercher
Média d'origine : Oblivion



Vralla était une petite fille, belle et d'une nature aimable, belle et intelligente, belle et pleine d'énergie. Tout ce que ses parents avaient rêvé qu'elle soit. Aussi parfaite soit-elle, ils ne pouvaient s'empêcher de concevoir des rêves pour elle. Son père, un homme socialement ambitieux du nom de Munthen, songeait qu'elle épouserait un beau parti, peut-être au point de devenir une princesse de l'Empire. Sa mère, une femme anxieuse nommée Cinneta, pensait qu'elle ferait preuve de grandeur par elle-même, en tant que chevalier ou magicienne. Bien qu'ils ne désiraient que le meilleur pour elle, ils se disputaient souvent au sujet de son destin. Mais ils avaient tort, tous les deux. Au lieu de s'épanouir, elle tomba gravement malade.

Les temples leur dirent d'abandonner tout espoir et la Guilde des Mages leur annonça que le mal dont souffrait Vralla était si rare et si mortel qu'il n'existait aucun remède. Elle était condamnée à mourir, très rapidement.

Abandonnés par les grandes institutions de l'Empire, Munthen et Cinneta cherchèrent le conseil de sorcières, d'ermites magiciens et d'autres puissances occultes et secrètes qui se dissimulent dans l'ombre de la civilisation.

- Je ne vois qu'un endroit où vous pourriez aller, leur annonça un vieil herboriste qu'ils étaient allés consulter sur les pics les plus lointains des monts de Wrothgarian. Il s'agit de la guilde des mages d'Olenveld.

- Mais nous nous sommes déjà adressés à la guilde des mages, protesta Munthen. Ils n'ont rien pu faire.

- Allez à Olenveld, insista l'herboriste. Et ne dites à personne que vous vous y rendez.

Trouver Olenveld s'avéra difficile, car l'endroit n'apparaissait sur aucune carte moderne. Chez un libraire de Bordeciel, cependant, ils trouvèrent un livre de cartographie historique de la deuxième ère qui mentionnait l'endroit. Au milieu de ses pages jaunies se trouvait Olenveld, cité située sur une île près de la côte nord, à une journée de voile de Winterhold.

Protégeant au mieux leur petite fille pâle de la froideur du vent marin, le couple s'élança sur l'océan avec l'antique carte pour seul guide. Ils naviguèrent pendant près de deux jours en tournoyant autour de la même position, se demandant s'ils étaient les victimes de quelque cruelle plaisanterie. Et puis ils les virent.

Au milieu des vagues rugissantes s'élevaient deux statues jumelles et décaties, dieux ou héros depuis longtemps oubliés, qui encadraient le port. Les navires amarrés là n'étaient plus que des coquilles pourries à moitié immergées alignées le long des quais. Munthen les fit accoster et ils s'avancèrent tous les trois dans la ville désertée.

Des tavernes aux vitres brisées, une place au puits asséché, des palais en ruine et des bâtiments noircis par le feu, des échoppes dévalisées et des étables abandonnées. Tout était désolé, tout était immobile et sans vie, à l'exception de la clameur du vent marin qui sifflait en serpentant au milieu des rues vides... et des pierres tombales. Dans chaque rue, chaque allée, s'alignaient en rangées serrées des monuments à la gloire des morts.

Munthen et Cinneta s'entre-regardèrent. Le frisson qui les parcourait n'avait pas grand-chose à voir avec le vent. Ils baissèrent les yeux sur Vralla, puis reprirent leur route en direction de leur objectif : la guilde des mages d'Olenveld.

L'éclat de bougies scintillait à travers les vitres du vaste bâtiment plongé dans l'obscurité. Mais ils ne furent guère réconfortés de savoir qu'il y avait quelqu'un de vivant sur cette île mortifère. Ils frappèrent à la porte et se raidirent pour faire face aux horreurs qui les attendaient peut-être à l'intérieur.

La porte s'ouvrit pour révéler une Nordique d'âge moyen et plutôt rondelette à la chevelure crépue. Debout derrière elle se tenait un Nordique chauve du même âge, un couple de Brétons adolescents à l'air timide, encore mal à l'aise et boutonneux, et un très vieil homme bréton aux joues creusées de rides qui leur souriait d'un air ravi.

- Oh par les dieux, s'exclama la Nordique, toute agitée. J'ai cru que mes oreilles me jouaient des tours quand j'ai entendu frapper à cette porte. Entrez, entrez, il fait tellement froid dehors !

On les fit entrer tous les trois et ils furent largement soulagés de voir que la guilde ne paraissait pas le moins du monde abandonnée. Elle était propre, bien éclairée et joliment décorée. Le groupe se présenta. Les habitants du bâtiment de la guilde d'Olenveld étaient composés de deux familles, les Nordiques Jalmar et Nette et les Brétons Lywel, Rosalyn et le vieux Wynster. Ils étaient aimables et amicaux, apportant immédiatement du vin chaud et du pain tandis que Munthen et Cinneta exposaient la raison de leur venue et ce que les guérisseurs et les herboristes avaient dit au sujet de Vralla.

- Donc, vous voyez, termina Cinneta en pleurant, nous ne pensions pas trouver la guilde des mages d'Olenveld, mais maintenant que nous y sommes parvenus, je vous en prie, vous êtes notre dernier espoir.

Les cinq inconnus avaient eux aussi les larmes aux yeux. Nette pleurait de manière particulièrement bruyante.

- Oh, vous avez traversé tant, tant d'épreuves, sanglota la Nordique. Bien sûr que nous allons vous aider. Votre petite fille va recouvrer la santé.

- Il est de notre devoir de vous dire une chose, intervint Jalmar d'un ton plus stoïque, bien qu'il fût visiblement touché par leur récit lui aussi. Ce bâtiment est bien celui de la guilde, mais nous ne sommes pas des mages. Nous avons emménagé ici parce que le bâtiment était abandonné et nous y exerçons depuis l'exode. Nous sommes des nécromanciens.

- Des nécromanciens ? répéta Cinneta en tremblant.

Comment ces gens si aimables pouvaient-ils être de telles créatures ?

- Oui, très chère, sourit Nette en lui tapotant la main. Je sais. Nous avons mauvaise réputation, j'en ai peur. Elle n'a jamais été très bonne, et maintenant avec l'archimagister Hannibal Traven, qui veut bien faire mais ne sait pas de quoi il parle...

- Que le Seigneur des Vers dévore son âme ! s'écria brusquement le vieil homme, d'un ton vicieux.

- Allons, allons, Wynster, le reprit Rosalyn, l'adolescente.

Elle décocha en rougissant un coup d'oeil contrit vers Cinneta.

- Je suis désolé. Il est habituellement d'une nature très douce.

- Eh bien, évidemment, il a raison, Mannimarco aura le dernier mot sur le sujet, intervint Jalmar. Mais pour l'instant, les choses sont, eh bien, très inconfortables. Lorsque Traven a officiellement banni notre art, nous avons dû nous cacher. La seule autre solution était d'abandonner entièrement nos pratiques et ç'aurait été une folie, bien que nombreux soient ceux qui l'ont fait.

- Peu de gens connaissent encore Olenveld depuis que Tiber Septim s'en est servi comme d'un cimetière privé, ajouta Lywel. Il nous a fallu une semaine pour retrouver l'endroit. Mais c'est parfait pour nous. Beaucoup de cadavres, vous voyez...

- Lywel ! le gronda Rosalyn. Tu vas les effrayer !

- Désolé, répondit Lywel avec une grimace contrite.

- Je me moque de ce que vous faites ici, déclara Munthen d'un ton sévère. Je veux seulement savoir ce que vous pouvez faire pour ma fille.

- Eh bien, dit Jalmar en haussant les épaules, je pense que nous pouvons faire en sorte qu'elle ne meure pas et ne soit plus jamais malade.

Cinneta eut un hoquet.

- Je vous en prie ! Nous vous donnerons tout ce que nous avons !

- Inutile, voyons ! dit Nette.

Elle prit Vralla entre ses bras épais.

- Oh quelle jolie petite fille. Aimerais-tu aller mieux, mon petit coeur ?

Vralla hocha la tête, l'air épuisé.

- Restez là, dit Jalmar. Rosalyn, je suis sûr que nous avons quelque chose de mieux que du pain à offrir à ces bonnes gens.

Nette commença à s'éloigner avec Vralla, mais Cinneta lui courut après.

- Attendez ! Je viens moi aussi.

- Oh, je suis sûr que vous voudriez, mais cela ruinerait le sort, ma chère, répondit Nette. Ne vous inquiétez pas. Nous avons fait cela des dizaines de fois.

Munthen referma ses bras autour de sa femme et elle recula d'un pas. Rosalyn se hâta vers la cuisine et leur rapporta du faisan rôti et du vin chaud. Ils s'assirent et mangèrent en silence.

Soudain, Wynster tressaillit :

- La petite fille est morte.

- Oh ! hoqueta Cinneta.

- Par Oblivion, que voulez-vous dire ?! s'exclama Munthen.

- Wynster, était-ce bien nécessaire ? lança Lywel à l'intention du vieil homme.

Elle se tourna vers Munthen et Cinneta :

- Elle devait mourir. La nécromancie ne consiste pas à guérir une maladie, il s'agit de résurrection, une régénération totale qui transforme le corps tout entier, pas seulement les parties qui ne fonctionnaient pas.

Munthen se leva, saisi de colère :

- Si ces maniaques l'ont tuée...

- Ils ne l'ont pas tuée ! le coupa Rosalyn. (Son regard s'était enflammé). Votre fille était au bord du gouffre lorsqu'elle est arrivée ici, tout le monde pouvait s'en rendre compte. Je sais que c'est dur, et même horrible, mais je ne tolérerai pas que vous traitiez cet adorable couple qui essaie simplement de vous aider de "maniaques".

Cinneta éclata en sanglots.

- Mais elle va vivre maintenant ? N'est-ce pas ?

- Oh oui, dit Lywel avec un large sourire.

- Oh, merci, merci, sanglota Cinneta. Je ne sais pas ce que nous aurions fait...

- Je sais ce que vous ressentez, dit Rosalyn en prenant affectueusement la main de Wynster. Lorsque j'ai cru que nous allions la perdre, j'étais prête à tout, comme vous.

Cinneta sourit :

- Quel âge a votre père ?

- Mon fils, la corrigea Rosalyn. Il a six ans.

Un bruit de petits pas leur parvint de la pièce adjacente.

- Vralla, va faire un gros câlin à tes parents, dit Jalmar.

Munthen et Cinneta se tournèrent dans sa direction. Et hurlèrent.