Nouveau guide impérial de Tamriel/Bordeciel : Différence entre versions
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Version du 15 janvier 2015 à 15:19
Média d'origine : Édition Impériale de TES Online
Par Flaccus Terentius, de la Société Géographique Impériale, 2E581
Nordiques du Pacte de Coeurébène
Quand ma bien-aimée, Honoria Lucasta, m'a mis en garde contre Bordeciel, ce n'est pas des Nordiques dont elle se souciait. Il était bien évident que ces brutes, dont la sophistication sociale et l'hygiène avoisinent celles d'un troll apprivoisé, ne poseraient aucun problème que l'alcool et la condescendance ne puissent résoudre. Non, sa principale préoccupation était le froid implacable de cette province. Elle a même exigé que j'emporte quelques fourrures de plus pour cette partie du voyage ( fourrures récemment volées à des Crevassais ). Je comprends maintenant pourquoi les Nordiques cherchent à envahir le reste du continent : ils tentent clairement de fuir leur climat ingrat. Les forêts de pins et les Monts Vélothi ont beaux être fascinants, il n'est pas facile d'apprécier leur beauté les yeux couverts de glace. Sans parler de la présence de tous ces sauvages…
Nous nous sommes matérialisés dans un bruit effrayant au bout du pont, à l'opposé des grandes portes de Vendeaume. Si furieux et orgueilleux soit-il, j'avais espéré que Vanus Galérion nous ferait apparaître directement dans la ville. Son choix m'a laissé perplexe. Les vents mordants qui soufflaient depuis la Mer des Fantômes s'engouffraient dans ma tunique déchirée, j'avais besoin de nourriture, de bandages propres et de repos… pas de ces rafales incessantes qui me fouettaient le visage. J'avais aussi d'autres inquiétudes : je devais terminer ce guide et présenter mes preuves au chancelier Tharn au plus vite. Il devait être informé de la trahison de son neveu Javad et de la malfaisance de son conseiller Mannimarco. Avec Vanus Galérion à mes côtés, nous étions invincibles ! Plus déterminés que jamais, nous sommes entrés dans Vendeaume (avec l'escorte immédiate des gardes) avant de rejoindre directement la Guilde des mages. Là, Galérion m'a quitté sans dire un mot pour s'entretenir en privé avec le Maître de la guilde. Une attitude typique des Altmers.
Pendant que Galérion réglait des problèmes manifestement plus urgents que les miens, j'ai acheté un peu de matériel de dessin et demandé où trouver le Jarl locale (ou thane des neiges, ou baron des pins… Ces rois nordiques affectionnent les titres bucoliques). Le roi Jorunn règne manifestement sur la région… non pas depuis le Palais des rois (pillé et incendié par les envahisseurs akavirois) mais dans le Hall de Rudepoing.
Me frayant un passage au milieu des courtisans du Hall de Rudepoing, j'ai remarqué un barde à la carrure et à la barbe particulièrement imposantes, jouant sur son luth l'une des chansons préférées des Nordiques : «Ragnar le Rouge ». Il était vraiment très doué. M'avançant vers lui, j'ai interrompu sa prestation : « Ménestrel ! Pendant que nous attendons le Roi-Scalde, jouez-nous donc un champ impérial ! » Un silence de mort est tombé sur la salle. Un marchand fruste et ratatiné m'a alors tiré par le manteau pour me mettre à genoux. «Shéogorath vous aurait-il fait perdre la raison, étranger ? Vous prenez Jorunn le Roi-Scalde pour un simple barde ? » « Par Mara... Mais plus sincères excuses, votre majesté ! » J'ai levé les mains au ciel, mon visage devenant aussi rouge qu'une pivoine alors que je réalisais l'énormité de mon erreur. Mais Jorunn a éclaté de rire. «Eggvard, relâche-le ! Mais sérieusement, impérial… » Et ses yeux se sont plissés. « Vous m'avez insulté. Je demande réparation. Ménestrel ! Improvisez donc que quelques vers sur notre ami Eggvard. » La gorge nouée, j'ai réfléchi un instant avant de réciter le poème suivant : Un vieux marchand nommé Eggvard À mon grand étonnement, je n'ai pas été chassé de la ville : un tonnerre d'applaudissements a éclaté. Je n'avais jamais eu à endurer autant d'accolades bourrues.
La principale préoccupation de la journée était apparemment de boire de l'hydromel et de battre la mesure sur des chansons paillardes. Reprenant son souffle entre deux couplets de «Nera la nymphe grivoise », Jorunn m'a fait signe d'approcher du trône. À ses côtés se tenait une nordique remarquable, rasée de près, la peau tannée par le vent et les yeux d'un bleu profond. « Flaccus Terentius de Bravil, je vous présente Mera Sombrage, Thane de Vendeaume.» Souriante, elle m'a dit : « Vous n'avez pas l'air dans votre élément, mon ami. » Je lui ai rendu son sourire. « Peu importe. Marchez un peu avec moi. Jorunn m'a chargée de passer les troupes locales en revue. » Me voyant hésiter, elle a ajouté : « N'ayez crainte, la boisson ne manquera pas. » Quelques instants plus tard, nous marchions dans les rues enneigées de Vendeaume. En avant des marchés grouillants et des cris de la populace se dressait une imposante structure militaire. Mera a ouvert la porte, et sept Nordiques se sont aussitôt levés de table pour la saluer. Elle a servi deux chopes d'hydromel et m'en a tendu une. « La guilde des guerriers ne fait pas partie de la milice locale », a-t-elle déclaré entre deux gorgées, avant d'ajouter en sortant un registre de son sac : « mais le roi ne s'arrête pas à ce genre de détail. » L'hydromel était épais, exceptionnellement riche, et j'ai senti un feu s'allumer dans mon ventre dès la première gorgée. Il contenait des traces de baies fermentées et une bonne dose de miel. L'alcool m'est immédiatement monté à la tête. Je me rappelle avoir quitté la guilde des guerriers avec Mera pour rejoindre la caserne de Vendeaume ; j'ai même fait un croquis du bâtiment, mais je ne sais plus exactement quand. J'ai pu rencontrer les soldats de la troisième compagnie d'Estemarche, qui nous ont invités à boire à leur tour. Mera a chanté avec eux au rythme des coups de marteau d'un forgeron réparant une armure.
Je ne saurais dire exactement comment s'est terminée la journée. Nous avons quitté le vacarme de la caserne, mais j'avais bu deux autres chopes et je me sentais nauséeux. Au prix de ma sobriété, j'ai fini par déterminer que ce goût de fruit était celui des genièvres. Mera a dû m'aider à marcher. Par la barbe de Stendarr, je me suis ridiculisé. Je me souviens d'avoir été dégoûté par la quantité de neige sale qui encombrait les rues. J'ai eu le malheur de marcher dedans : il faudra que je brûle cette botte. J'ai croisé la statue d'un Nordique, que j'ai trouvée étrangement hilarante. Grossière et vigoureuse à la fois, comme mes hôtes. Encore de l'hydromel. Je ne me rappelle plus avoir fait ces croquis.
Je me suis réveillé tout tremblant. Ce n'était pas le froid qui me faisait frissonner, car j'avais miraculeusement réussi à rejoindre les baraquements, mais un terrible rêve. Mes draps étaient trempés de sueur et mon stigmate brûlait. Je me souvenais d'une fuite éperdue sur les sentiers de Vendeaume, une meute de Daedra hurlants sur mes talons. À leur tête se trouvait Mannimarco, qui semblait marcher sans fouler le sol. C'était l'hydromel qui me donnait des cauchemars. Oui, c'était forcément cela. J'avais l'impression d'avoir eu la tête tranchée en deux. J'ai pris quelques profondes inspirations et je me suis emmitouflé dans mes habits humides pour affronter le blizzard. Je devais trouver un apothicaire et lui acheter des potions pour soulager ma tête endolorie. Quand la tempête de neige s'est calmée, j'ai reconnu certaines des structures que j'avais vues en rêve. Je les ai dessinés ici au cas où elles auraient une signification quelconque.
J'aurais eu plus de chance de trouver un Khajiit imberbe qu'un marchand de potions dans ce dédale d'avenues enneigées et de murs de granite. Mais dans sa miséricorde, Mara a soulagé mon mal de tête, suffisamment pour que je me rappelle que Mera Sombrage m'attendait à l'auberge de la Lune de glace. Une fois sur place, je l'ai trouvée assise près de l'âtre avec mes affaires. Quel soulagement ! Elle m'a fait signe d'approcher en souriant avant de me présenter Garthar Trois-Doigts, le cuisinier. Il m'a proposé différents morceaux de porc, du pain et des œufs, le tout frit à la graisse d'oie dans une énorme poêle. Luttant contre la nausée, mais voyant bien que je risquais d'offenser Mera, j'ai accepté. Ma portion est arrivée dans une assiette si grande qu'il fallait deux mains pour la porter. Palpitations mises à part (un phénomène tout à fait normal selon la Nordique), j'avoue que ce repas rudimentaire était absolument délicieux. Par contre, j'ai refusé de reprendre une chope. Mera m'a alors dit en riant : « Si vous voulez vraiment boire, vous devez rencontrer mon frère, Holgunn le Borgne. »
Nous avons bravé le vent mordant et la neige qui tombait de plus belle pour nous rendre à l'Auberge du Nordique sobre, un nom bien ironique pour une taverne où l'alcool coulait encore plus librement que dans les autres établissements. En poussant la lourde porte de chêne, nous avons été accueillis par une bouffée de chaleur venant à la fois du foyer et des nombreux Nordiques rassemblés ici. Un cri de joie a retenti à l'arrivée de Mera. Holgunn, un homme imposant à la carrure d'Orque, s'est levé pour nous saluer et m'a offert une étreinte amicale qui a manqué de m'étouffer. Il portait une épaisse armure d'acier, même en ville, et était armé d'un énorme marteau, de plusieurs dagues et d'une hache. « Nous buvons pour honorer les morts, Impérial ! » a déclaré Holgunn d'une voix tonitruante qui m'a déchiré le crâne. « Je prendrais une bière légère, merci, » ai-je répondu. L'œil gauche d'Holgunn a tressailli de manière visible. « Ah ! On ne sert que de l'hydromel ici, petite nature ! » Je me suis résigné à une nouvelle nuit de festivités en compagnie d'Holgunn, qui engloutissait l'hydromel comme de l'eau et n'en ressentait pas plus les effets. Il nous a fait part de ses exploits lors de la récente invasion akaviroise : il aurait ainsi combattu aux côtés de la Meute des Bardes dans l'enceinte de Vendeaume, conquis les Sept mille marches pour atteindre les Grises-barbes du Haut-Hrothgar, chassé les pillards akavirois de Faillaise et participé à la grande bataille des Éboulis, où les mers intérieures sont devenues rouges du sang de l'ennemi. J'ai consigné les récits d'Holgunn dans les moindres détails, de son sauvetage du Roi-Scalde Jorunn d'une flèche ennemie à son combat épique aux côtés de Wulfharth, le légendaire Roi des Cendres, en passant par ses négociations avec les chefs dunmers (au cours desquelles il a affronté le général Tanval Indoril dans un concours de boisson qui a duré près d'une semaine). Mera Sombrage a confirmé tous ces faits, mais j'ai malheureusement égaré mes parchemins secondaires quand notre petite réunion s'est changée en véritable beuverie.
Le lendemain matin, j'ai quitté les quartiers réservés aux invités d'Holgunn avec une vessie vide et un pot de chambre plein. « Prêt pour la chasse, mon ami ? » m'a demandé Holgunn en me faisant un clin d'œil. «Kyne nous offre un temps favorable et Ingjard a déjà repéré des empreintes de smilodon. Nous partirons dans l'heure. » Pendant que je prenais mon petit-déjeuner de viande fraîche aux herbes, Mera m'a présenté à Thorbjolf le Rouge et à Ingjard Main-de-Pierre, deux trompe-la-mort de Vendeaume qui complétaient notre groupe de chasse. « Quel groupe de chasse ? » ai-je demandé. « Celui que nous avons formé à votre demande. Pour rendre les choses plus intéressantes, comme vous le vouliez. » « Plus intéressantes ? » Je n'en avais pas le moindre souvenir. « Oui ! Nous chasserons avec des arcs, des épées courtes et des dagues. Pas d'armes longues. Nous relevons votre défi ! » Je me suis affaissé dans mon siège en regardant mes quatre compagnons remplir leurs besaces et préparer leurs arcs. L'hydromel m'avait encore embrouillé l'esprit.
Malgré ma crainte initiale à l'idée d'arpenter les terres sauvages de Bordeciel avec quatre rustauds, j'ai trouvé notre petite escapade palpitante. Mes préjugés les plus négatifs à l'égard des Nordiques étaient sans mérite. Il sont bruyant et grossier, c'est certain. Oui, leurs rues sont jonchées de neige jaune et marron. Mais rares sont ceux qui peuvent rivaliser avec leur force de caractère et l'amitié qu'ils m'ont témoignée. Holgunn m'a persuadé d'abandonner mes vêtements impériaux. À ma grande surprise, la veste en peau d'ours, le pantalon en cuir et les solides botte en peau de loup était à la fois souples et adaptés. J'ai même trouvé la cape de fourrure très confortable une fois que je me suis habitué à son odeur. Protégé du froid dans ma tenue de chasse, j'ai quitté Vendeaume avec mes compagnons et nous nous sommes mis en route pour les collines enneigées d'Estemarche. Alors que nous nous approchions de la limite des arbres, Ingjard s'est soudain accroupie près d'une grotte, puis elle a bandé son arc et décoché une flèche avant que j'ai eu le temps d'apercevoir sa cible. Je suis resté derrière elle, mon propre arc prêt à tirer, tandis que les trois autres Nordiques se dispersaient. Mera s'est précipitée sur le fauve et lui a planté sa dague dans le cou, luttant avec lui dans la neige tachée de sang jusqu'à ce qu'il succombe. J'ai dessiné sa carcasse pour la postérité.
Après cette violente interruption, nous avons repris notre longue marche entrecoupée de haltes autour du feu de camp. Ingjard avait perdu une partie de sa main droite lors d'un combat contre un ours-garou, mais sa blessure n'avait en rien amoindri ses talents de peintre. C'est elle qui a réalisé l'œuvre ci-contre, qui représente la vallée menant au Haut-Hrothgar. Holgunn m'a informé que les bâtiments étaient positionnés de manière fantaisiste, mais qu'importe. Elle a su peindre l'aurore, ou « Lumières de Kyne », avec autant de réalisme que de beauté. En me reposant sous ces lueurs vertes et violettes, je me suis senti pour la première fois en paix dans la majestueuse nature de Tamriel. Le deuxième soir, nous nous étions déjà aventurés bien au-delà de la limite des arbres, sur les flancs rocheux et venteux des Monts Velothi. Après avoir monté nos spacieuses tentes, pourvues de toits inclinés et huilés pour éviter que la neige s'accumule, j'ai inspecté nos prises : deux renard des neiges, un loup et un ours. Je me suis ensuite assis auprès du feu pour siroter mon hydromel, tout en vidant discrètement mes chopes derrière moi pour donner l'impression de boire autant que les autres. Holgunn nous a raconté l'histoire passionnante d'un géant spectral qui hante ces montagnes. Revenu dans ce monde après un pacte avec Hircine, il arpente les collines et les vallées à la recherche de sa femme. Malheur à ceux qui croisent son chemin, car l'esprit solitaire est armé d'une massue de glace avec laquelle il fige ses victimes avant de dévorer leurs corps immobiles. Quand je me suis retiré sous mes couvertures, j'ai senti un courant d'air glacé qui m'a fait frissonner, comme si une créature fantomatique enserrait mon âme de ses mains gelées.
Notre troisième jour de chasse a été tout aussi fructueux. Nous sommes descendus dans les futaies, accompagnés par le son des cornes nordiques en ramenant nos prises : du lapin pour le déjeuner et du chevreuil accompagné de champignons pour le dîner. Pendant que Thorbjolf faisait cuire la viande, Mera Sombrage nous a diverti avec l'histoire du sorcier Serenarth, un Elfe des neiges de l'ancien temps. Je me suis mis à dessiner en l'écoutant parler d'un affrontement entre l'elfe et les compagnons d'Ysgramor lors de la Nuit des Larmes. Les deux camps étaient pris dans une lutte acharnée après la destruction de Saarthal, la première ville nordique. Maniant son arc avec une précision redoutable, Ysgramor abattit le mage d'une seule flèche. Les Nordiques s'éloignèrent pour reprendre leur ville, laissant Serenarth mourir dans le froid. Puisant dans ses dernières forces, le sorcier invoqua un puissant Atronach de glace, puis fit un pacte avec des forces malveillantes pour transférer son esprit dans le corps du Daedra. On dit que Serenarth attend toujours sous sa nouvelle forme, enfermé au cœur d'un glacier auprès de son cadavre gelé, destiné à se venger des héritiers d'Ysgramor quand la glace fondra.
Ingjard a décelé un mouvement dans le blizzard, là où je ne voyais qu'un mur de neige opaque. En prenant un peu de hauteur, j'ai finalement pu apercevoir une femelle smilodon en train de chasser le lapin. Nous l'avons poursuivie toujours plus haut, au milieu de la brume et de rochers plus ou moins glissants, avant d'atteindre une série de ruines étalées le long d'un escarpement : un immense monument funéraire, j'ai aussitôt interrogé mes compagnons sur cet endroit étrange. «C'est Skuldafn… » m'a répondu simplement Mera. Thorbjolf a vu le félin disparaître dans les ruines. Il est revenu vers nous sans en franchir le seuil : les arches enneigées semblaient nous interdire le passage, et des totems d'animaux nous regardaient avec une tacite malveillance. L'atmosphère était vraiment lugubre et angoissante. Holgunn nous a fait signe de faire demi-tour et de quitter les lieux. Selon lui, « on n'entre pas dans un temple dragon ». J'ai essayé de le raisonner jusqu'à ce que Mera m'attrape par l'épaule. « N'ennuyez pas Holgunn avec ça… » m'a-t-elle murmuré. « Ces prêtres-dragons servaient Alduin .»
Mon visage transi a retrouvé des couleurs quand nous avons atteint un terrain sinistre parsemé de bassins bouillonnants et de fumerolles. Intrigué, je suis descendu vers un ensemble d'étangs d'un vert presque luminescent. Loin de nous, Mera a aperçu la silhouette immense d'un géant avançant d'un pas lourd à travers le paysage clairsemé, et le groupe s'est aussitôt mis en chasse. J'ai trempé les orteils dans l'eau brûlante d'une source, ravi de sentir un frisson de chaleur me traverser malgré l'odeur nauséabonde. J'ai d'abord cru que Thorbjolf préparait des œufs, mais c'était un gaz étrange qui m'irritait la gorge. La vapeur s'est progressivement faite plus épaisse en se mélangeant aux brouillards qui descendaient sur les plaines, et j'ai fini par perdre de vue mes compagnons. J'ai tenté en vain de les retrouver avant la nuit. Je n'ai pu qu'entendre le son de leurs cornes qui résonnait dans le lointain.
Perdu ! Je me suis hissé sur un tas d'éboulis instable, la brume et le son des cornes se dissipant peu à peu à mesure que je retournais vers des températures plus fraîches. Je me suis bientôt retrouvé dans un bois de pins et de sapins ; errant au milieu des arbres, j'ai soudain entendu un grognement sauvage avant d'être jeté au sol. Une créature immonde à cligné de ses trois yeux avant de montrer les crocs. Elle s'apprêtait à me sauter dessus quand trois guerriers en armures m'ont dépassé et se sont jetés sur elle. « Voilà pour mon cheval, sale bête ! » s'est écrié le plus gros du groupe en tranchant le bras du troll d'un grand coup de sa hache double. Amputé et déstabilisé par une volée de flèches tirées par un second guerrier, le monstre n'a pas mis longtemps à s'effondrer.
Le Nordique à la hache s'est alors tourné vers moi en souriant. « Bien le bonjour, étranger. Je suis Vigrod Clive-Spectre, le héraut. Et ce sont mes frères d'armes, Uli et Rargal. Nous sommes des Compagnons. » Pendant qu'il dressait le camp, Vigrod m'a expliqué que ses Compagnons voyageaient avec très peu d'équipement pour rester rapides, et passaient leur nuit dans des grottes ou des vallons plutôt que sous la tente. Assis autour du feu, Uli et Rargal sont restés silencieux, préférant se consacrer à l'entretien de leurs armes, mais Vigrod s'est montré plus sociable et m'a parlé de sa rivalité amicale avec Holgunn le Borgne. Interrogé sur sa loyauté envers le Roi-Scalde, il a rétorqué fièrement qu'il avait juré allégeance au trône, rompant la tradition de son clan de mercenaires. Le lendemain matin, Vigrod m'a proposé de m'emmener avec eux vers le sud, au Hall de Rochebrune, leur domaine dans la Châtellerie de la Brèche. Ma seule autre option étant de finir dans le ventre d'un troll, j'ai accepté. Nous avons traversé d'autres sources chaudes, et à mesure que mes bottes s'usaient, la neige s'est effacée du paysage. Finalement, au détour d'un dernier col, j'ai posé les yeux sur une vaste forêt caduque.
J'ai été très bien accueilli au Hall de Rochebrune. Pour commencer, j'ai pu refuser de boire sans offenser mes hôtes. J'ai été surpris de voir d'autres races, même un Khajiit, parmi les guerriers présents. Quant à la structure elle-même ? C'est un bastion si sûr que ses fondations semblent ne faire qu'un avec les contreforts des Monts Velothi. J'ai été agréablement surpris par la qualité de la charpente et de la menuiserie, faisant bon usage du pain et du sapin. Mon seul regret porte sur la profusion de dragons sculptés : il y en avait sur chaque pignon, une obsession frôlant l'idolâtrie. Je n'ai pas réussi à profiter du banquet du soir. Vigrod n'y est pour rien ; ses histoires et ses légendes sur les Compagnons pourraient remplir plusieurs volumes, même s'il m'a été demandé de ne pas les transcrire (la plupart tournaient autour d'Ysgramor et de sa hache mythique, Wuuthrad, apparemment conservée dans l'un de leurs coffres souterrains). Non, je pense que des forces plus démoniaques étaient à l'œuvre, et j'ai donc préféré me retirer dans mes quartiers pour la nuit, en priant pour un sommeil réparateur. Mara ne m'a pas entendu. Malgré le relatif confort de ma couche, mes terribles cauchemars sont revenus, plus terrifiants que jamais : Mannimarco me poursuit. Il prend l'apparence d'un géant spectral, qui brille d'une lueur bleutée dans la pénombre de Masser. Il abat son énorme gourdin sur ma tête, me soulève de terre et enfonce son pouce dans mon stigmate. Plus vite je quitterai ces terres nordiques, mieux ce sera. Le lendemain matin, je me suis réveillé seul devant les portes de Faillaise, incapable de me rappeler comment j'étais arrivé là. Perplexe et mal en point, j'ai pris la route de Longsanglot avec une caravane d'hydromel.
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