Note froissée et maculée
Média d'origine : TES:Morrowind
Je ne cesse de nager en rond dans ce monde aquatique que nous considérons comme notre chez nous. Mes membres s'affaiblissent alors que mes yeux remontent de plus en plus souvent vers la surface, comme pour mieux reconnaître la défaite. Je me souviens de la chaleur de la terre alors que je vivais normalement, respirant de l'air à proximité de son coeur à elle. Mes souvenirs sont suffisants pour m'inciter à poursuivre mes recherches au sein d'un océan de larmes d'une profondeur astronomique. Mes rêves sont une source de soulagement, puisqu'ils me permettent de retourner en ces temps bénis, mais si lointains qu'ils s'estompent peu à peu. Mes souvenirs doux-amers ne font qu'alimenter un peu plus encore ma tristesse. Je me sens autant chez moi que ma conscience me le permet. Je me rappelle être tombé dans le lac le plus fabuleux que j'aie jamais vu. Il m'a englouti sans laisser de traces, telle une vulgaire goutte d'eau, et j'ai tout de suite été fasciné par l'extase que j'ai ressentie, une extase comparable au retour dans le ventre de sa mère. Le ciel désertique de mon âme s'est empli d'étoiles scintillantes et s'est réchauffé à la chaleur de son soleil. Levant les yeux, j'ai vu tout cela se refléter dans les rides dansant à la surface de l'eau. La scène m'est apparue incroyablement réelle, malgré son caractère surnaturel. L'espace d'une seconde, je me suis trouvé entre l'image et son reflet. Une grande confusion s'est emparée de moi lorsque j'ai compris que je ne venais pas de plonger dans le lac, mais de le quitter. Hurlant ma rage à l'adresse des cieux, je me suis effondré telle une étoile sur les rivages de mon enfance, alors que mon dernier souffle me quittait. Depuis, je me noie sur la terre ferme. Je ne sais combien de temps je suis resté allongé là, en position foetale. J'ai senti des millions d'années s'écouler en l'espace de quelques secondes. J'ai vécu pleinement ces instants d'éternité, alors que l'ennui de l'après n'attendait que de m'envelopper dans son manteau gris. Les feux de mon coeur se sont atténués, devenant de faibles braises bien distantes du brasier ardent qu'ils avaient constitué. Mes membres se sont mis à protester de devoir porter tout le poids du monde. J'ai senti mon désir de vie qui réduisait peu à peu les souffrances de mon coeur. Alors que je recouvrais lentement la santé, mes connaissances ont désespérément tenté de combler le vide qu'était devenue mon âme. M'engageant presque par-devers moi sur la voie de la liberté et de l'oubli, j'ai laissé filer ma vie entre mes doigts. Même si elle continuait de se tordre de douleur devant mes yeux, je me suis contenté de l'observer, las, comme si je ne connaissais rien d'autre de plus fascinant que ce vide. Mon esprit s'est mis à divaguer, subissant des chocs multiples et répétés imposés par ceux que je me rappelle avoir connus lors d'une vie passée. J'essaye vainement de m'oublier et de me pardonner en me forçant à arborer un sourire de façade et à regarder bien droit devant moi. J'oublie, je me souviens, j'oublie encore. Et, chaque fois, mes souvenirs reviennent moins nombreux. La pensée de tout ce qui a disparu de mon esprit m'emplit de tristesse. Je ne suis plus celui que j'étais. Malgré la souffrance, je n'ai jamais été aussi réel que lors de ces instants où, seul et isolé de tous, je me suis perdu. Je suis déchiré à l'idée de perdre pour toujours ce qui a changé ma vie à tout jamais et qui ne sera jamais plus, je le crains de toute mon âme... ce qui m'a fait don de davantage de souffrances que celles éprouvées au cours de toutes mes vies et dans l'existence de ceux que j'ai connus à travers moi. Mais qui suis-je pour attendre cela de vous ? |