Crépuscule sur Sentinelle
Auteur réel : Ted Peterson Média d'origine : TES 3 : Morrowind Commentaire : Texte illustré d'après le Codex.
Par Boali
" Êtes-vous Jomic ? " Un homme robuste d'âge moyen, au visage marqué par le temps, leva la tête et acquiesça avant de retourner à sa boisson. La jeune femme s'assit près de lui. " Je me nomme Haballa, dit-elle, en sortant une bourse d'or et en la plaçant près de sa chope. - Ici, personne ne se soucie d'autre chose que de ses propres ennuis. Vous pourriez retirer votre cuirasse et danser sur la table à demi-nue que personne ne le remarquerait, rétorqua l'individu en souriant. Alors, qui voulez-vous que je tue ? - En fait, personne, répondit Haballa. En vérité, je veux seulement que quelqu'un... disparaisse pendant quelque temps. Il ne faut pas lui faire de mal, vous comprenez, et c'est pour ça que j'ai besoin d'un professionnel. On vous a chaudement recommandé. - A qui avez-vous parlé ? demanda Jomic d'un air maussade, en sirotant son verre. - Un ami d'un ami d'un ami d'un ami. - L'un de vos amis ne sait pas de quoi il parle, grogna l'homme. Je ne m'occupe plus de ce genre d'affaire. " Haballa sortit une deuxième bourse pleine d'or, puis une troisième, et les déposa devant son interlocuteur. Ce dernier la dévisagea un instant, puis ouvrit les bourses et se mit à compter les pièces. " Qui dois-je faire disparaître ? s'enquit-il ensuite. - Un instant, fit Haballa en souriant et en secouant la tête. Avant de parler des détails, je veux être sûre que vous êtes un professionnel et que vous ne ferez pas trop de mal à cette personne. Et aussi que vous savez vous montrer discret. - Vous voulez de la discrétion ? répondit l'homme en cessant de compter. Très bien, je vais vous parler d'un de mes anciens boulots. C'était… par Arkay, j'ai peine à y croire… c'était il y a plus de vingt ans et aujourd'hui je suis le seul ayant participé à cette affaire à être encore en vie. Cela remonte avant la guerre de Brétonie, vous vous en rappelez ? - J'étais encore toute petite. - Naturellement, sourit Jomic. Bon, tout le monde sait que le roi Lhotun avait un frère aîné, Gréklith, qui est mort, d'accord ? Il avait aussi une soeur aînée, Aubk-i, qui a épousé ce roi de Daguefilante. Mais, en fait, ses frères étaient au nombre de deux ! - Vraiment ? s'enquit Haballa, les yeux luisant d'intérêt. - Sans mentir, gloussa-t-il. L'aîné était un débile doublé d'une mauviette appelé Arthago, le premier-né de la reine et du roi. Quoi qu'il en soit, il était l'héritier du trône, ce qui ne réjouissait pas particulièrement ses parents. Mais la reine engendra deux autres fils qui semblaient un peu mieux disposés pour cette tâche. C'est là qu'on m'engagea avec mes hommes. Il fallait que le premier prince ait l'air d'avoir été enlevé par le Roi des Tréfonds ou un truc du genre. - Je l'ignorais complètement ! murmura la jeune femme. - Bien entendu, c'était bien cela le but, dit Jomic en secouant la tête. Il fallait faire dans la discrétion, comme vous avez dit. On a fourré le gamin dans un sac avant de le larguer au plus profond d'une vieille ruine et le tour était joué. Pas de fioritures. Quelques gars, un sac et une massue. - C'est ce qui m'intéresse, dit Haballa. Du savoir-faire. Mon... ami qui doit disparaître est également assez faible, un peu comme ce prince. A quoi sert la massue ? - C'est un outil. Il y avait tant de choses tellement mieux dans le passé qui n'existent plus, juste parce que les gens préfèrent ce qui est facile à ce qui marche bien. Laissez-moi vous expliquer. Le corps humain comporte soixante et un points douloureux. Les Elfes et les Khajiits, qui sont très sensibles, en ont au moins trois quarts de plus. Les Argoniens et les sloads en ont respectivement cinquante-deux et soixante-sept, expliqua Jomic en indiquant chaque point sur le corps de la jeune femme. Six sur le front, deux sur l'arcade sourcilière, deux sur le nez, sept sur la gorge, dix sur la poitrine, neuf sur l'abdomen, trois sur chaque bras, douze sur le visage, quatre sur votre jambe de prédilection, cinq sur l'autre. - Cela en fait soixante-trois, répliqua Haballa. - Non, grogna Jomic. - Si, insista la jeune femme, indignée qu'on mette en doute ses talents de mathématicienne. Six plus deux, plus deux, plus sept, plus dix, plus neuf, plus trois pour un bras, plus trois pour l'autre, plus douze, plus quatre, plus cinq. Soixante trois. - J'ai dû en oublier, dit Jomic en haussant les épaules. Ce qui compte, c'est que pour maîtriser un bâton ou une massue, il faut connaître les points sensibles. Bien fait, un petit coup peut tuer ou rendre une victime inconsciente sans lui faire la moindre égratignure. - Fascinant, dit Haballa en souriant. Et personne n'a jamais retrouvé Arthago ? - Qui l'aurait pu ? Les parents du petit, le roi et la reine sont aujourd'hui morts. Les autres enfants pensent que leur frère a été enlevé par le Roi des Tréfonds. C'est ce que tout le monde croit, d'ailleurs. Et tous mes partenaires sont morts. - De cause naturelle ? - Il n'arrive jamais rien de naturel dans la baie, vous le savez bien. L'un d'eux a été victime d'un vampire, un autre est mort de cette maladie qui a emporté la reine et le prince Gréklith, et le troisième a été battu à mort par un cambrioleur. Il faut rester discret comme moi pour survivre. Jomic termina de compter ses pièces. Vous devez vraiment vouloir que ce type disparaisse. Qui est-ce ? - Il serait préférable de vous le montrer ", dit Haballa en se levant. Sans regarder en arrière, elle quitta la Taverne sans Nom. Jomic termina sa bière et la suivit. La nuit était douce et un vent léger faisait frémir l'eau de la baie d'Iliaque et tourbillonner les feuilles. Haballa sortit de l'allée et lui fit signe. Tandis qu'il s'approchait de la jeune femme, la brise souleva la cape de cette dernière, révélant l'armure qu'elle portait et le blason du roi de Sentinelle. Jomic recula pour fuir, mais elle était trop rapide. En un éclair, il se retrouva sur le dos dans l'allée, les genoux de la jeune femme appuyés fermement sur sa gorge. " Cela fait des années que le roi vous cherche, vous et vos comparses, Jomic. Depuis qu'il est monté sur le trône, en fait. Il ne m'a pas précisé ce que je devais faire de vous quand je vous trouverai, mais vous m'avez donné une petite idée. " Haballa tira une petite matraque de sa ceinture. Quelques minutes plus tard, un ivrogne sortant du bar entendit une plainte étouffée accompagnée d'un doux murmure provenant des ténèbres de l'allée : " Essayons de mieux compter, cette fois-ci. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize, dix-sept, dix-huit, dix-neuf... " |