Le Ruban d'Or du Mérite
Média d'origine : Morrowind
Par Ampyrian Brum
Par ce beau matin de printemps, la lumière du soleil commençait à prendre le dessus sur la brume flottant entre les arbres lorsque Templar et Stryngpol reprirent le chemin de la clairière. Cela faisait des années qu'ils n'étaient plus revenus en Hauteroche, mais les arbres de leur bois préféré n'avait pas changé. Stryngpol arborait désormais une moustache blonde et gominée, et Templar n'avait plus rien à voir avec le jeune garçon qui espérait trouver l'aventure dans ce vieux bosquet. Il était désormais bien plus calme et les cicatrices qu'il avait reçues s'accompagnaient également de bleus à l'âme. Les deux compagnons prenaient un soin tout particulier à protéger leurs arcs et leurs carquois de flèches chaque fois qu'ils devaient négocier un buisson touffu ou une branche basse. " C'est le sentier qui menait chez toi, pas vrai, mon vieux ? " s'enquit Stryngpol. Templar hocha brièvement la tête sans pour autant ralentir son allure. " C'est bien ce que je me disais, fit Stryngpol en éclatant de rire. Je te revois courant chaque fois que tu saignais du nez. Je sais que rien ne t'offense, mais quand même, difficile de croire que tu aies pu devenir soldat. - Comment va ta famille ? demanda Templar. - Toujours pareil. Ils sont même devenus encore plus pompeux, si c'est possible. Ils voudraient bien que je quitte l'académie, c'est évident, mais il n'y a rien pour moi, ici. Du moins, pas tant qu'il n'y aura pas d'héritage en vue. Tu as vu que j'ai gagné le ruban d'or du mérite en tir à l'arc ? - Comment aurais-je pu le manquer ? - Ah, oui. C'est vrai que mes parents ont décidé de l'exhiber dans le hall d'entrée. Ostentatoire à l'extrême, pas vrai ? Et je suis sûr qu'on doit le voir par la porte-fenêtre du bout du couloir. C'est vraiment ridicule, mais j'espère que cela leur permet au moins d'impressionner les paysans. " La clairière s'ouvrit devant eux. Délicatement posée sur l'herbe, la brume l'enveloppait d'une humide opacité. Plusieurs mannequins avaient été disposés en demi-cercle, telles des sentinelles. " Je vois que tu continues de t'entraîner, commenta Templar. - Un peu, c'est vrai, reconnut Stryngpol. Mais je ne suis arrivé que depuis quelques jours. Et toi alors ? Mes parents me disent que tu es en ville depuis une semaine. - C'est exact. Mon unité campe à quelques kilomètres à l'est et je me suis dit que j'avais le temps de revoir les lieux et les gens de mon enfance. Mais tout a tellement changé que je ne reconnais rien ni personne, dit Templar en contemplant la large vallée qu'ils surplombaient. Cette terre semble excellente pour les cultures. - Ma famille s'est étendue depuis le départ de la tienne. Je crois que l'on a évoqué la possibilité de conserver la maison de tes parents, mais rapidement, cela parut un peu trop sentimental, surtout en raison de la qualité de la terre. " Stryngpol banda précautionneusement son arc d'ébonite orné de filigranes argentés, qu'il s'était fait tailler sur mesure à Refuge. Voyant que Templar faisait de même, il eut soudain pitié de son ami d'enfance, qui devait s'accommoder d'un arc rapiécé en maints endroits. " Si c'est comme cela qu'on t'a appris à bander ton arc, vous manquez sérieusement d'instructeurs, à l'armée, dit-il, aussi gentiment que possible. - Moi, ça me convient, répondit Templar. Il faut que je te dise que je ne vais pas pouvoir rester longtemps. Je dois être de retour au sein de mon unité avant le coucher du soleil. " Stryngpol se sentit vaguement énervé. Si Templar ne supportait pas que sa famille ait perdu ses terres, pourquoi ne le disait-il pas clairement ? Et pour quelle raison était-il revenu ici ? Il le regarda tendre la corde de son arc et toussa de manière à l'interrompre. " Excuse-moi, mais je ne peux pas te laisser faire sans te donner un minimum de conseils. On peut tendre la corde de trois façons différentes : avec trois doigts, deux doigts et le pouce ou encore avec le pouce et l'index. Personnellement, c'est la méthode que je préfère. Mais si tu ne t'achètes pas de protège-doigts, tu risque de te faire mal. - Je crois que je préfère ma méthode de paysan, si ça ne te dérange pas. - Ne sois pas bête, Templar. Je n'ai pas reçu le ruban d'or du mérite pour rien. Pour l'obtenir, il m'a fallu toucher ma cible en tirant debout, assis, à genoux, couché, à dos de cheval ou encore accroupi sous un bouclier. Ces conseils, je te les donne en souvenir de notre amitié passée, que tu n'as pas oubliée, j'espère. Douce Kynareth, quand je pense que tu ne demandais que ça, quand tu étais gamin. " Templar fixa un long moment Stryngpol puis abaissa son arc. " Montre-moi ", concéda-t-il. Stryngpol se détendit brusquement. Il ne s'était pas rendu compte de la tension qui régnait dans la clairière. Il fit quelques exercices destinés à assouplir ses muscles, tirant la corde jusqu'au niveau de son nez, puis de sa poitrine et de son oreille. " On peut tirer à l'arc de trois façons différentes : en lâchant la corde dès que l'on a fini de la tirer, comme les Bosmers, en exécutant une courte pause entre les deux mouvements afin de mieux viser, à la manière des Khajiits ou encore en tirant la corde en deux temps, puis en la relâchant après avoir visé. Personnellement, c'est la méthode que je préfère. Démonstration... - Joli coup, commenta Templar en voyant la flèche de Stryngol se planter en plein centre de la cible. - A toi, maintenant. " Stryngpol aida Templar à bander son arc et à viser. Le soldat se fendit d'un sourire pour la première fois depuis que les deux amis d'enfance s'étaient retrouvés. Lorsque Templar lâcha la corde, la flèche ricocha sur le haut de la cible et alla se perdre dans la vallée. " Pas mal, fit Templar. - C'est vrai, renchérit Stryngpol, qui se sentait d'humeur magnanime. En t'entraînant, tu devrais pouvoir t'améliorer rapidement. " Ils tirèrent encore quelques flèches avant de se dire au revoir. Templar repartit vers l'est, en direction de son unité, tandis que Stryngpol descendait dans la vallée. Il se mit à siffloter un petit air entraînant en entrant dans le jardin de la grande maison de famille, satisfait d'avoir pu aider Templar. Il ne vit même pas qu'un carreau de la large porte-fenêtre de l'entrée était brisé. Par contre, ce qu'il vit aussitôt en pénétrant dans le grand hall, c'est la flèche de Templar, fichée au beau milieu de son ruban d'or du mérite. |