Le mensonge que nous nous racontons

Média d'origine : TES Online Par Mirabelle Motierre Très chère mère, Je me souviens de votre nom. Je me suis entourée de menteurs prolixes et suis devenue menteuse moi-même. Mais, dans mes mensonges, je discerne la manifestation de votre domaine aussi clairement que le sang que nous versons dans les ténèbres d'un meurtre secret. Alors, bien que je désire leur jeter la vérité au visage en hurlant ou murmurer votre nom à l'oreille des mourant, je me dis que le secret est ma foi, ma joie et non un blasphème. Pourtant, j'aimerais que vous me parliez juste une fois. Pourquoi pas moi ? Je vous ai toujours écoutée. Je me cachais en vous bien avant qu'on m'appelle "soeur noire". J'étais la Chimère, toujours changeante, racontant mille milliers de mensonges en votre honneur. Pour que vous me voyiez. Pour vous entendre. Ils se nomment Oreilles noires, mais aucun n'écoute vos murmures avec plus d'espoir et de désir que moi. J'ai marché au pas de vos arts, drapée de Huit Teintes. J'ai vécu des mensonges et éteint des vies, non pas pour Notre Père de la terreur, mais pour vous. Ils se nomment Langues noires, mais aucun n'a prononcé vos paroles avec autant de conviction que moi. Voyez-vous ce que j'ai bâti ? J'ai fait une chapelle de mon corps. Chaque visage est un mensonge, envie autant provoquée que ressentie. Maîtriser la séduction. Saisir et insuffler la peur, trahir famille et vérité. Le meurtre des autres, le meurtre de soi. Le désir insatiable. La fureur que je ressens, et libère, et ressens encore pour vous, vous, vous, lorsque tous les trésors ne sont rien d'autre que mensonges. Très chère mère, je me souviens de votre nom. Mais je raconterai et aimerai le mensonge. Peut-être est-ce votre enseignement. Le mensonge est le trésor.