La Mélodie du Poison, livre V : Différence entre versions

De La Grande Bibliotheque de Tamriel
Aller à : navigation, rechercher
m
m (Révocation des modifications de Irthène (discussion) vers la dernière version de Shadow she-wolf)
Ligne 1 : Ligne 1 :
[[Catégorie:Livres]]
 
 
 
La Mélodie du Poison
 
La Mélodie du Poison
  

Version du 5 janvier 2014 à 20:32

La Mélodie du Poison

Livre V

Par Bristin Xel




Deux jours durant, les guérisseurs de la Maison Indoril soignèrent Tay tandis que Baynara restait à son chevet et lui tenait la main. Fiévreux, il ne semblait ni dormir ni être vraiment éveillé, et il poussait de grands cris, comme si des fantômes invisibles le harcelaient. Les guérisseurs louèrent sa résistance physique à plusieurs reprises ; ils avaient vu plusieurs malheureux rejetés sur la côte pendant la guerre, mais aucun n'avait jamais survécu.


Plusieurs fois, tante Ulliah amena à manger à Baynara.


" Prends soin de toi, chérie, répétait-elle à chaque fois. Sinon, quand il aura repris ses esprits, c'est lui qui devra s'occuper de toi. "


La fièvre de Tay finit par se dissiper et, quand il ouvrit enfin les yeux, ils se posèrent sur la jeune femme avec qui il avait passé dix-sept des dix-huit années de sa vie. Elle appela pour qu'on leur montât de la nourriture et l'aida à manger.


" Je savais que tu ne mourrais pas, lui dit-elle, rassurée.


- Je le savais aussi, gémit-il. Et pourtant, ce n'est pas faute de l'avoir souhaité. Te souviens-tu de ces cauchemars dont je t'avais parlé, Baynara ? Et bien, ils sont vrais.


- Nous en discuterons quand tu te seras reposé.


- Non ! Je dois tout te dire sans attendre, afin que tu saches quel monstre est ton cousin. Si tu savais, tu ne serais pas si heureuse de me revoir. "


Une larme coula le long de la joue de Baynara et Tay se rendit compte combien elle était devenue belle pendant les quelques mois de leur séparation.


" Mais comment pourrais-je cesser de t'aimer, quoi que tu aies pu faire ? sanglota-t-elle.


- J'ai vu Edébah, ma vieille nourrice, et je lui ai parlé.


- Oh, fit Baynara, qui redoutait cet instant depuis longtemps. J'ignore ce qu'elle t'a dit, Tay, mais tout est de ma faute. Te souviens-tu du jour où Kéna Grafisi nous a parlé de la Maison Dagoth et de la corruption qui l'accompagnait ? La nuit suivante, j'ai vu ta nourrice créer une sorte d'autel dans la cour, en dessinant le symbole de la Sixième Maison. Sans doute le faisait-elle depuis des années mais, avant, je ne savais pas ce qu'il représentait. J'en ai parlé à oncle Uncle Triffith et il l'a chassée. J'ai voulu te l'avouer mille fois, mais j'avais peur. Elle t'était tellement dévouée...


- Et cela ne t'a pas inquiétée encore plus de penser que son dévouement pour moi n'était peut-être pas étranger à celui qu'elle montrait pour la Maison maudite ? Tu n'es pourtant pas du genre à ne pas réfléchir.


- Je ne sais pas ce qu'elle t'a dit, Tay, mais elle n'allait pas bien et, quoi qu'elle ait pu penser de la Sixième Maison, elle se trompait. Ne l'oublie jamais. Les divagations d'une folle ne signifient rien.


- Ce n'est pas tout. "


Tay poussa un long soupir et tendit le bras, pour s'apercevoir que l'anneau ne se trouvait plus à son doigt.


" Où est ma bague ? s'emporta-t-il. Si tu l'as vue, tu dois déjà savoir que je te dis la vérité.


- J'ai jeté cette abomination, répondit Baynara en se levant. Il faut que tu te reposes, Tay.


- Je suis l'héritier de la Maison Dagoth, rétorqua-t-il, les yeux fous. Elevé après la guerre au sein de la Maison Indoril, mais guidé par le chant de mes ancêtres. Quand nous étions enfants, j'ai tué Vasper car la mélodie m'avait dit qu'il m'avait volé mon héritage. Lorsque Edébah m'a appris qui j'étais en me donnant l'anneau, je l'ai supprimée et j'ai incendié sa maison, toujours sur ordre du chant. Et quand je suis retourné chez Kalkorith, ma maîtresse m'a apprit qu'elle n'était autre que ma soeur et qu'elle faisait elle-aussi partie de la Maison Dagoth. Je me suis enfui et, quand Kalkorith a essayé de m'arrêter, je l'ai tué à son tour. Le chant m'avait dit qu'il était mon ennemi.


- Tais-toi, Tay, le supplia Baynara en pleurant. Je n'en crois pas un mot. Tu as encore la fièvre...


- Tay n'existe pas, persista-t-il en secouant la tête. Mes parents m'ont donné le nom de Dagoth-Tython.


- Mais tu ne peux pas avoir tué Edébah ! Tu l'aimais ! Et Vaster et Kalkorith ? Ils étaient nos cousins !


- Pas les miens, rétorqua-t-il froidement. La mélodie m'a dit qu'ils étaient mes ennemis... tout comme elle me le dit à ton sujet, mais je refuse de l'écouter, et je continuerai autant que je le pourrai. "


Baynara s'enfuit en refermant violemment la porte derrière elle. Demandant la clé à Hilima, elle verrouilla la porte de la chambre.


" Serjo Indoril-Baynara ? fit la servante, interloquée. Votre cousin va bien ?


- Cela ira quand il se sera reposé, répondit dignement Baynara en essuyant ses larmes. Il ne faut le déranger sous aucun prétexte. Je garde la clé avec moi. Et maintenant, j'ai beaucoup à faire. J'imagine que personne n'a parlé aux pêcheurs chargés d'approvisionner le manoir en poissons ?


- Je ne sais pas, serjo, avoua Hilima. Je ne crois pas. "


Baynara descendit aux quais et chassa ses doutes de la seule façon qu'elle connaissait, en se concentrant sur une succession de choses de moindre importance. Les paroles de Tay continuaient de résonner dans son esprit, mais elle trouva un certain réconfort en discutant avec les pêcheurs et en les aidant à déterminer quelle quantité de poisson devait être fumée, distribuée au village ou envoyée dans au garde-manger du manoir.


Tante Ulliah se joignit à la discussion sans se rendre compte de l'état de Baynara. Ensemble, elles discutèrent des provisions restantes suite au passage des invités d'oncle Triffith, mais aussi du retour de ces derniers et de la meilleure façon de se préparer à les accueillir de nouveau. L'un des pêcheurs les interrompit d'un cri.


" Un bateau arrive ! "


Ulliah et Baynara accueillirent la visiteuse, une jeune femme vêtue de la robe réservée aux prêtresses du Temple. Alors qu'elle amarrait son petit bateau, Baynara s'étonna de la beauté de l'inconnue, qui lui sembla étonnamment familière.


" Bienvenue à Gorne, dit-elle. Je suis Indoril-Baynara et voici ma tante, Indoril-Ulliah. Nous sommes-nous déjà rencontrées ?


- Je ne crois pas, serjo, répondit la nouvelle venue en inclinant la tête. J'ai été envoyée par le temple afin de savoir si vous avez des nouvelles de votre cousin, Indoril-Tay. Cela fait plusieurs jours qu'il n'assiste plus aux cours et les prêtres commencent à s'inquiéter à son sujet.


- Oh, nous aurions dû vous avertir, s'excusa Ulliah. Il est arrivé il y a quelques jours de cela, à moitié noyé. Permettez-nous de vous escorter jusque chez nous.


- Tay se repose et j'ai demandé que personne ne le dérange, dit rapidement Baynara. Je sais que c'est très mal élevé, mais il faut que je parle à ma tante quelques instants. Le prendriez-vous mal si je vous demandais de nous attendre au manoir ? Il suffit de suivre le sentier qui gravit la colline. "


La prêtresse s'inclina de nouveau et se dirigea humblement vers la demeure.


" De quel droit traites-tu une représentante du Temple de cette manière ? fulmina tante Ulliah, scandalisée. Faut-il que rester au chevet de ton cousin t'ait épuisée pour que tu aies perdu toute notion de politesse.


- Tante Ulliah, murmura Baynara en attirant son aînée à l'écart des pêcheurs, Tay est-il réellement mon cousin ? Il prétend faire en réalité partie de... la Maison Dagoth.


- C'est vrai, concéda Ulliah après quelques longues secondes. Tu n'étais qu'un bébé toi aussi, après la guerre ; tu ne peux savoir ce qu'il en était, à l'époque. Toutes les régions de Morrowind avaient été ravagées, et même notre île n'a pas été épargnée. Te souviens-tu des objets calcinés que vous aviez découverts avec Tay et ce pauvre Vasper ? C'est tout ce qu'il reste de la bataille qui a eu lieu ici. Mais après la guerre, quand cette maudite Maison a enfin été vaincue, nous avons vu tous ces pauvres innocents dont le seul crime était d'avoir de tels parents. J'admets qu'au sein de l'armée unifiée des autres Maisons, certains auraient préféré tuer tous ces enfants mais, au bout du compte, la compassion l'a emporté et ces petits malheureux ont été adoptés. C'est ainsi que nous avons enfin obtenu la paix.


- Par le Seigneur, la Mère et le Mage ! Si ce que Tay pense est vrai, cette paix n'est qu'illusoire. Il prétend que le chant de ses ancêtres l'a appelé et obligé à tuer trois personnes, dont deux membres de notre famille... cousin Kalkorith et, quand nous étions enfants... Vaster. "


Horrifiée mais incapable de parler, Ulliah se mit les mains devant la bouche.


" Et ce n'est que le commencement, poursuivit Baynara. La mélodie continue de l'appeler. Il a dit que d'autres savaient et qu'ils l'aideraient à faire renaître la Sixième Maison de ses cendres. Sa soeur...


- Il a dû délirer, voulut croire Ulliah, avant de remarquer que Baynara regardait fixement la demeure familiale. A quoi penses-tu, ma nièce ?


- La prêtresse ! Elle ne nous a pas donné son nom ! "


Les deux femmes remontèrent le sentier en courant et en appelant les gardes. Les pêcheurs, qui ne les avaient jamais vues aussi affolées, saisirent leurs crochets et poignards avant de s'élancer à leur suite.


La porte d'entrée du manoir de Sandil était grande ouverte et le premier cadavre gisait non loin. Il s'agissait d'Aner, le valet d'oncle Triffith, éventré mais toujours assis à la table où chaque après-midi il sirotait un petit verre de liqueur. Léryne, l'une des femmes de chambre, avait été décapitée alors qu'elle montait des draps propres à l'étage. Gardes et serviteurs étaient affalés dans les couloirs, inertes. Baynara ne put retenir un sanglot en apercevant Hilima en haut de l'escalier. Recroquevillée sur elle-même, la servante faisait penser à une poupée cassée. Elle avait été massacrée alors qu'elle cherchait à s'enfuir par la fenêtre.


Sans un mot, Baynara, Ulliah et les pêcheurs traversèrent la maison transformée en charnier. La porte de la chambre de Tay était ouverte, mais ils ne virent personne à l'intérieur. Entendant des bruits de pas dans la chambre de Baynara, ils avancèrent prudemment, la gorge serrée par l'angoisse.


La prêtresse se trouvait près du lit. Elle tenait dans une main la bague en argent que Baynara avait prise au doigt de Tay et, dans l'autre, une serpe acérée et maculée de sang, comme sa belle robe blanche. Elle se fendit d'un sourire et exécuta une révérence moqueuse en constatant qu'elle n'était plus seule.


" Acra, fit Baynara d'une voix aussi posée que possible. J'aurais dû vous reconnaître d'après la description que Tay m'a faite dans ses lettres. Où est mon cousin ?


- Je préfère que l'on m'appelle par mon vrai nom, Dagoth-Acra, répondit la meurtrière. Ton faux cousin, mon frère, est parti accomplir sa prophétie. Je regrette juste que tu ne te sois pas trouvée là afin qu'il puisse te dire adieu à sa façon. "


La fureur déforma les traits de Baynara.


" Massacrez-la ! ordonna-t-elle aux pêcheurs.


- La Sixième Maison va bientôt renaître et Dagoth-Tython sera notre chef ! " promit Acra avant de laisser échapper un rire cinglant.


Ses paroles n'avaient pas fini de résonner dans la pièce qu'elle traçait un signe de rappel et disparaissait sans laisser de trace.


Modèle:Book Footer