La Flèche Noire, volume 1 : Différence entre versions
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Version du 5 janvier 2014 à 19:30
La Flèche Noire,
première partie
Par Gorgic Guine
J'étais jeune quand la duchesse de Woda m'engagea en tant que valet de pied assistant dans son palais d'été. Mon expérience dans le domaine des aristocrates titrés était très limitée avant ce jour. Il s'agissait de riches marchands, de négociants, de diplomates et d'officiels qui avaient de grandes affaires à Vieilleracine et des palais démesurés pour donner de grandes fêtes. Ma famille était bien loin d'appartenir à ces cercles sociaux.
Ma famille ne possédait aucune affaire dans laquelle je puisse être engagé quand je devins adulte mais mon cousin avait entendu dire qu'on recherchait des serviteurs dans un domaine éloigné. Il était si lointain qu'il y avait peu de chances que beaucoup répondent à cette offre. Je voyageais pendant cinq jours dans les jungles de Val-Boisé avant de rencontrer un groupe de cavaliers venant dans ma direction. Il y avait quatre Bosmers, dont une femme, deux Brétonnes et un Dunmer. Des aventuriers, à en juger par leur apparence.
" Vous rendez-vous aussi à Moliva ? demanda Prolyssa, une des Brétons, après que nous nous soyons présentés.
- Je ne connais pas ce village, répondis-je. Je suis en quête d'un poste de serviteur auprès de la duchesse de Woda.
- Nous vous conduirons jusque chez elle, répondit Missun Akin le Dunmer en me hissant sur son cheval. Mais vous feriez mieux d'éviter de dire à Sa Grâce que des élèves de Moliva vous ont escorté. Sauf si vous ne tenez pas trop à travailler pour elle. "
Akin s'expliqua en chemin. Moliva était le village le plus proche du domaine de la duchesse, où un grand archer renommé s'était retiré après une longue carrière dans l'armée. Il s'appelait Hiomaste et, bien qu'il soit à la retraite, acceptait des élèves qui voulaient apprendre l'art du tir à l'arc. Avec le temps, alors que la rumeur se propageait, de plus en plus d'étudiants se rendaient auprès du maître. La Brétonne venait de la région occidentale de Hauteroche. Akin avait traversé le continent depuis sa demeure près du grand volcan de Morrowind. Il me montra la flèche d'ébonite qu'il avait amenée avec lui. Je n'avais jamais rien vu d'aussi noir.
" D'après ce que nous avons entendu, dit Kopale, un des Bosmers, la duchesse est une impériale dont la famille habitait dans la région avant même la création de l'empire. On aurait donc pu penser qu'elle serait habituée aux habitants de Val-Boisé. Eh bien ! Il n'en est rien. Elle méprise le village et l'école par-dessus tout.
- Je crois qu'elle aimerait contrôler tout ce qui se passe dans sa jungle ", se moqua Prolyssa.
J'acceptai avec gratitude toutes ces informations mais commençai à redouter de plus en plus ma première entrevue avec l'intolérante duchesse. La première fois que j'aperçus le palais à travers les arbres, cela ne fit qu'aggraver mes craintes.
Cela n'avait rien à voir avec aucun des bâtiments que j'avais vus à Val-Boisé. Un vaste édifice de pierres et de fer doté de remparts dentelés comme les crocs d'une énorme bête. La plupart des arbres autour du palais avaient été coupés depuis bien longtemps. Je ne pouvais qu'imaginer le scandale que cela avait dû provoquer et la crainte que devaient ressentir les paysans bosmers envers le duché de Woda pour avoir permis un tel crime. A la place des arbres, il y avait une large douve gris vert qui entourait le palais. On avait donc l'impression qu'il se dressait sur une île. J'avais déjà vu de telles choses sur des tapisseries en provenance de Hauteroche et de la province impériale mais jamais dans mon propre pays.
" Il y a un garde à la porte, nous vous laissons donc ici, dit Akin en arrêtant son cheval sur la route. Il serait préférable pour vous de ne pas être vu avec nous. "
Je remerciais mes compagnons et je leur souhaitais bonne chance pour leur apprentissage. Ils s'éloignèrent à cheval et je continuai à pied. En quelques minutes, j'arrivai devant la porte principale qui disposait d'une haute herse. Quand le gardien comprit que j'étais là pour le poste de domestique, il me permit de passer et signala à un autre garde d'abaisser le pont-levis pour me permettre de franchir les douves.
Il y avait une dernière mesure de sécurité : la porte d'entrée. Une monstruosité de métal, frappée du blason de Woda à son sommet, renforcée par des bandes de fer et dotée d'un seul trou de serrure. L'homme qui montait la garde déverrouilla la porte et me permit d'entrer dans un énorme palais de pierre grise.
Sa Grâce m'accueillit dans sa salle de réception. Elle était mince et fripée comme un reptile. Elle était vêtue d'une simple robe rouge. Il semblait évident qu'elle ne souriait jamais. Notre entretien se résuma à une seule question.
" Savez-vous en quoi peut bien consister le poste d'assistant valet de pieds d'une noble dame impériale ? Sa voix était comme le froissement d'un cuir usé.
- Non, Votre Grâce.
- Bien. Un serviteur ne peut comprendre ce qui doit être fait et je déteste particulièrement ceux qui croient le contraire. Vous êtes engagé. "
La vie au palais était dépourvue de toute joie mais le poste de jeune valet de pied était peu astreignant. La plupart du temps, je n'avais pas grand-chose à faire hormis rester hors de vue de la duchesse. Je descendais alors souvent la route menant vers Moliva. Ce village n'avait apparemment rien de particulier ou de spécial - il existe des centaines d'endroits similaires à Val-Boisé. Mais, sur le flanc d'une colline proche, se trouvait l'académie d'archerie de maître Hiomaste. J'y prenais souvent mes déjeuners et j'observais les cours.
Prolyssa et Akin venaient souvent me rejoindre ensuite. Avec Akin, les sujets de conversation s'éloignaient rarement de l'art de l'arc. Bien que je l'apprécie beaucoup, je trouvais en Prolyssa une compagne beaucoup plus intéressante. Non seulement parce qu'elle était séduisante pour une Bréton mais également parce qu'elle semblait s'intéresser à autre chose qu'aux arcs.
" Quand j'étais une petite fille, je suis allée dans un cirque à Hauteroche, le Cirque Quill, me raconta-t-elle au cours d'une de nos promenades dans les bois. Il était dans la région depuis aussi longtemps qu'on s'en souvienne. Il faudrait que vous assistiez à une représentation si vous le pouvez. Les gens de ce cirque ont des spectacles, des attractions et le plus étonnant numéro d'acrobates et d'archers que je n'ai jamais vus. Mon rêve, c'est de me joindre à eux le jour où je serai à la hauteur.
- Quand saurez-vous que vous maîtrisez suffisamment bien l'arc ? " demandais-je.
Elle ne me répondit pas et, quand je me retournai, je me rendis compte qu'elle avait disparu. Je regardais partout, abasourdi, jusqu'à ce que j'entende des rires provenant du haut de l'arbre au-dessus de moi. Elle était perchée sur une branche et grimaçait.
" Il se peut que je ne puisse me joindre à eux en tant qu'archer mais peut-être en tant qu'acrobate, dit-elle. Ou peut-être les deux. Je me suis dit que Val-Boisé était l'endroit où je devais venir apprendre. Il y tant d'excellents professeurs dans les arbres. Les hommes singes. "
Elle se redressa, fit basculer sa jambe gauche puis sauta. En moins d'une seconde, elle avait bondi sur une autre branche. Je trouvais difficile de continuer à lui parler.
" Vous voulez parler des Imgas ? bégayai-je. Ne vous sentez-vous pas nerveuse à cette altitude ?
- C'est un cliché, je sais, en sautant sur une branche encore plus haute, mais le secret est de ne jamais regarder en bas.
- Cela ne vous ferait rien de redescendre ?
- Ce serait peut-être préférable ", répondit-elle. Elle se trouvait à dix bons mètres de haut en train de se balancer à une branche. Elle désigna la porte à peine visible de l'autre côté de la route. " Je ne m'approcherai pas plus près du palais de la duchesse. "
Je retins mon souffle tandis qu'elle lâchait la branche et, après quelques cabrioles retombait par terre, les genoux à peine pliés. C'était ça l'astuce m'expliqua-t-elle. Anticiper le coup avant qu'il n'arrive. Je lui confiai qu'elle serait formidable au cirque Quill. Bien sûr, je savais désormais que cela n'arriverait jamais.
Je me souviens que ce jour-là je devais rentrer tôt. C'était une des rares occasions où j'avais du travail. Quand la duchesse recevait des invités, je devais me trouver au palais. Cela ne voulait pas dire que j'avais des tâches dont je devais m'acquitter mais que je devais faire acte de présence dans la salle à manger. Les serviteurs et les servantes travaillaient dur pour amener la nourriture et débarrasser les plats mais les valets de pied étaient purement décoratifs, une formalité.
Mais au moins, j'étais un parfait auditoire pour le drame qui allait survenir.