Déjeuner à Pélin (une histoire d'horreur) : Différence entre versions

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Version du 27 février 2015 à 13:46

Média d'origine : TES Online

Par DeWitte Bourbois


« Viens, Falinne, dis-je. Ce sera amusant.

- Je ne sais pas, Jacques, répondit Falinne, ses traits juvéniles trahissant un embarras inhabituel chez elle. Je ne pense pas… Cela ne me semble pas être une bonne idée.

- Un déjeuner sur l'herbe ? Une mauvaise idée ? C'est la fête de la souveraineté, la commémoration de la libération de Hauteroche du joug du premier Empire. Tout le monde déjeune dehors ce jour-là !

- Oui, mais pas au cimetière de Pélin. Et le temps ne s'y prête pas. Il fait si sombre, répondit-elle en frissonnant.

- Ce n'est pas un problème, dis-je en passant les grilles en fer forgé du grand cimetière. Nous aurons un toit au-dessus de nos têtes. Nous allons manger dans ce vieux mausolée.

- Co-comment ? s'exclama Falinne. Mais c'est le tombeau de…

- De ton homonyme ? La baronne Falinne Guimard, qui commanda les troupes de Bangkoraï le jour de la souveraineté ? Celle-là même. »

Je souris, m'inclinai et m'écartai, lui faisant signe d'entrer dans le sinistre mausolée. Falinne regarda à l'intérieur et déglutit péniblement.

« Très bien, Jacques. Je ne me laisserai pas effrayer. »

Puis, inclinant la tête, elle se courba pour pénétrer dans la sépulture de la baronne. Je lui emboîtai le pas, dépliant la nappe brodée.

« Nous y voilà ! Inutile de s'asseoir directement sur les pavés humides, maculés de taches étranges de ce lugubre tombeau. Confort et élégance sont mes maîtres mots !

- Hilarant, Jacques, dit-elle avec un sourire amusé en s'asseyant en tailleur alors que je déposais le panier à provisions au centre de la nappe. Alors, qu'as-tu amené ?

- Une collation de choix concoctée par le chef Artoine de l'auberge de la Pointe de l'ancre ! Duo de pigeons farcis sur lit de salade, entremets et hypocras. À moins que vous ne…

- …Égion… less…, murmura une voix du font du tombeau.

- Un écho ? Par Mara ! Tu entends ça, Falinne ?

- Falinne… Légion… d'Alless… ! murmura la voix, allant crescendo.

- Oh oui, j'ai entendu ! s'exclama Falinne en bondissant. Jacques, à quoi joues-tu ?

- Légion d'Alessia ! Où êtes-vous ? demanda distinctement la voix.

Sous nos yeux ébahis, un spectre bleu descendit d'un escalier en colimaçon pour flotter jusqu'à nous. Falinne se plaqua contre le mur du fond avec un cri strident et s'immobilisa, comme paralysée. Sentant le contact de la pierre froide contre mon dos, je réalisai que je venais d'en faire de même.

Le spectre d'un bleu translucide, vêtu d'une armure ancienne, flotta entre nous, se précipita vers la sortie, puis fit volte-face.

» C'est le grand jour, n'est-ce pas ? demanda-t-elle d'une voix gutturale. Le jour de l'assaut !

- Ou… Oui, comtesse, dis-je, surpris d'entendre un son sortir de ma bouche. La bonne journée, mais pas le bon siècle.

- Comment ? s'exclama-t-elle en se jetant sur moi, ses mains spectrales tendues dans ma direction. Je me raidis contre le mur, comme poour m'y enfoncer.

« Comment ? Pas… encore.

- C'est vrai ! gronda Falinne. Mauvais siècle, mauvaise année ! Retournez donc vous coucher, grand-mère !

- Mauvaise… année, dit le spectre d'une voix lente. Retourner… me coucher. »

À notre immense soulagement, l'esprit de la comtesse flotta en direction des escaliers, s'évanouissant dans les airs.

« Par le souffle de Kynareth ! gémit Falinne en se laissant glisser le long du mur. J'aurais bien besoin d'un verre. Pas toi ?

- Oh que oui ! Et même plusieurs, dis-je alors qu'elle versait l'hypocras. Alors, ça vient ?

- Un instant, mes mains tremblent. Voilà. »

Je vidai le vin épicé d'un trait et lui rendis la coupe. Puis, prenant une profonde inspiration, je déclarai :

« Falinne, je suis sincèrement navré. Je n'aurais jamais cru…

- Ce n'est rien, dit-elle. Tiens, reprends un verre. Cela fera une excellente histoire à raconter à notre retour à la Pointe de l'ancre.

- Tu n'es pas en colère ? Vraiment ?

- Non Jacques. Pas du tout.

- Alors, ouvrons le… oh que se passe-t-il ? »

Alors que je tendais la main pour prendre le plat, je sentis un frisson glacé me parcourir le corps et ma main s'immobilisa.

« Par Arkay, que… ? »

Je tentai de me redresser, mais mes genoux refusèrent de me porter et je m'écroulai sur la nappe.

« Falinne, ça… ça ne va pas.

- Ce n'est rien, mon cher, dit-elle en souriant tendrement. J'ai versé un poison paralysant dans ton hypocras.

- Un p… poison ? marmonnai-je. Pourquoi ?

- Vois-tu, il y a cette communauté secrète que je souhaite intégrer. Les oubliés de Namira. Mais pour être admise, il me faut manger de la chair humaine. N'est-ce pas excitant ? »

Elle tira une dague effilée et acérée de son corsage.

« Voyons voir… Par où vais-je commencer ? »