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Version du 24 mai 2014 à 14:22
La chute du Prince des Neiges
Compte rendu de la Bataille de Moesring, telle que transcrite par Lokheim, chroniqueur du chef de tribu Ingjaldr Oeil-blanc
Lorsqu'il se rua dans la bataille, sur son destrier éclatant d'une blancheur blafarde, nul ne savait d'où il venait. Elfe, nous l'appelions, car Elfe il était, mais nul n'en vit jamais de son genre avant ce jour mémorable. De sa lance et de son armure émanait la terrible et rayonnante lueur d'une magie inconnue. Ainsi paré, ce cavalier semblait plus mort que guerrier.
A ce moment, ce fut le grondement qui s'amplifia dans les rangs elfes qui nous troubla le plus. Qui nous effraya, devrais-je dire. Ce n'était pas un grondement de terreur, non, le doute n'est pas permis. C'était plutôt la clameur débridée, sans retenue, d'une joie profonde, le genre de félicité ressentie par le damné à qui l'on accorde une seconde chance. Car à cet instant, les Elfes étaient au bord du précipice de la damnation, comme pendant les grandes escarmouches de Solstheim. La bataille de Moesring promettait d'être l'ultime affrontement entre les Nordiques et les Elfes sur notre belle île. Menés par Ysgramor, nous avions repoussé la vermine elfe hors de Bordeciel et nous étions fermement décidés à purifier Solstheim de leur présence malsaine. Nos guerriers, armés des meilleures haches et épées nordiques, façonnées avec soin par nos artisans, fauchaient de larges sillons dans les rangs ennemis. Les reliefs du Moesring s'imbibaient de sang elfe. Mais alors, pourquoi l'adversaire se réjouissait-il ? Comment un unique cavalier pouvait-il insuffler un tel espoir à une armée souffrant d'une telle détresse ?
Pour la plupart d'entre nous, le sens de son appel était clair, mais les mots qu'il utilisa ne furent qu'une longue litanie de sons et de chants elfes. Certains dans nos rangs, pourtant, les universitaires, les chroniqueurs, frissonnaient de comprendre ces mots.
"Le Prince des Neiges est arrivé ! L'enfer est à nos portes !"
Un grand calme submergea les Elfes, qui se tenaient debout, immobiles. Malgré la densité de cette armée, le Prince des Neiges fit avancer sa monture et, comme la chaloupe tranche les eaux glacées du Fjalding, il divisa les rangs de ses pairs. Le splendide cheval blanc ralentit au galop, puis au trot et ce cavalier elfe inconnu louvoyait vers la ligne de front, dans une lenteur presque spectrale.
Un guerrier nordique passe la majeure partie de sa vie au combat, dans le sang. Il est rarement surpris par le nombre des armes. Mais bien peu d'entre nous auraient pu imaginer l'intensité et la violence de l'incertitude qu'engendrait un champ de bataille soudain plongé dans le silence et l'immobilisme. Tel fut l'effet que nous fit le Prince des Neiges ce jour-là. Car une fois les cris de joie des elfes assoupis, une quiétude que l'on ne peut connaître que dans la solitude du sommeil persista. Ce n'est qu'un peu après que ces êtres, Elfes comme Nordiques, se retrouvèrent dans une terrifiante vérité : qu'importe une victoire ou une défaite en ce jour sur les versants des Montagnes de Moesring. La seule véritable certitude, une fois le soleil couché, c'est que la mort aurait plaqué les vainqueurs et les vaincus, sans faire de distinction. Le glorieux Prince des Neiges, un Elfe comme aucun autre, était venu pour nous apporter la mort. Et la mort, il apporta.
D'un coup d'un seul, le Prince des Neiges abattit de violentes bourrasques de neige dans nos rangs, de celles qui aveuglent les voyageurs et menacent d'arracher les fondations des plus solides bâtiments. La glace et la neige se mêlèrent en tournoyant autour de l'Elfe, comme si les éléments n'existaient que pour servir sa volonté. Le tourbillon rutilant de sa lance siffla un air lugubre en direction de ceux qui lui faisaient face. Les meilleurs périrent à ses pieds ce jour-là. Ulfgi Poing-d'enclume, Strom le Blanc, Freida Bâton-de-chêne, Heimdall le Frénétique. Tous finirent morts aux pieds des Montagnes de Moesring.
Pour la première fois ce jour, la balance de la bataille sembla pencher de l'autre côté. Les Elfes, encouragés par les hauts faits du Prince des Neiges, se rallièrent pour une ultime charge contre nos troupes. C'est à ce moment-là, à cet instant précis, que la Bataille de Moesring prit une tournure soudaine et inattendue.
Finna, l'enfant de Jofrior, une fillette de quelque douze ans et écuyère de sa mère, vit le Prince des Neiges couper son seul parent en deux. Submergée de rage et de chagrin, Finna ramassa l'épée de Jofrior et la projeta sauvagement vers l'assassin de sa mère. Quand la lance rutilante de l'Elfe stoppa sa danse macabre, le champ de bataille devint muet. Tous les yeux se tournèrent vers le Prince des Neiges. Mais personne ne fut plus surpris que l'Elfe lui-même, lorsqu'il se rendit compte de la scène qu'il nous offrait. Car sur son grand destrier, le Prince des Neiges se tenait, immobile, tenant de ses deux mains l'épée qui transperçait son poitrail. Un instant plus tard, il s'effondra de son cheval, quittant la bataille, abandonné par la vie. Le Prince des Neiges s'effondra mort, pourfendu par une enfant.
Maintenant que leur sauveur était vaincu, le moral des guerriers elfes éclata en mille morceaux. Beaucoup ont fui, et ceux qui décidèrent de rester sur le champ de bataille goûtèrent aux larges haches nordiques. Au coucher du soleil, on ne voyait que le carnage du champ de bataille. Et sur ce champ de bataille, planait l'odeur diffuse de la valeur et du talent, car l'armure et la lance du Prince des Neiges brillaient encore. Même dans la mort, cet Elfe inconnu et puissant nous emplissait d'admiration.
La tradition courante veut que l'on brûle les cadavres de nos ennemis tombés au combat. Plus qu'une coutume, c'est une nécessité, car la mort apporte avec elle son lot de terreur et de maladie. Nos chefs de clan avaient l'intention de débarrasser Solstheim de la horde elfe. Qu'importe qu'il s'agisse de morts ou de vivants. Pourtant, il fut décidé que tel ne serait pas le sort du Prince des Neiges. Un tel seigneur de guerre, pourtant adulé par ses pairs, méritait mieux que ça. Même dans la mort, même s'il s'agit d'un ennemi de notre peuple.
Et c'est ainsi que nous installâmes le corps du Prince des Neiges, enroulé dans les soies les plus délicates, dans un tertre fraîchement creusé. L'armure et la lance, brillant de mille feux, furent présentées sur un piédestal honorifique et la tombe fut garnie de trésors dignes de son rang royal. Tous les puissants chefs de clan tombèrent d'accord, l'Elfe devra être honoré. Son corps sera préservé dans le tertre tant que la terre le décidera, mais on ne lui offrira pas la protection de notre Stalhrim, réservée uniquement aux Nordiques.
Et voici comment se termine ce témoignage de la Bataille de Moesring, marquant la chute du Prince des Neiges Elfe. Puissent les dieux honorer sa mort. Mais puissent-ils faire que de notre vivant, nous ne rencontrions plus jamais un être de son espèce.