Le Récit Argonien, Livre III : Différence entre versions
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Decumus Scotti était censé être à Gideon, une cité entièrement colonisée par l'Empire dans le sud du Marais noir, occupé à arranger des affaires destinées à améliorer le commerce dans la province pour le compte de la commission à la construction du seigneur Vanech et de ses clients. Au lieu de quoi il s'est retrouvé dans un petit village pourrissant et inondé du nom d'Hixinoag, où il ne connaissait personne. Personne, à l'exception d'un contrebandier spécialisé dans une drogue du nom de Chaero Gemullus. | Decumus Scotti était censé être à Gideon, une cité entièrement colonisée par l'Empire dans le sud du Marais noir, occupé à arranger des affaires destinées à améliorer le commerce dans la province pour le compte de la commission à la construction du seigneur Vanech et de ses clients. Au lieu de quoi il s'est retrouvé dans un petit village pourrissant et inondé du nom d'Hixinoag, où il ne connaissait personne. Personne, à l'exception d'un contrebandier spécialisé dans une drogue du nom de Chaero Gemullus. | ||
− | Gemullus n'était pas le moins du monde troublé par le fait que la caravane de marchands s'était dirigée au nord plutôt qu'au sud. Il avait même laissé Scotti partager avec lui un seau de [[trodh]], de minuscules poissons croustillants achetés aux villageois. Scotti aurait préféré qu'ils soient cuits, ou en tout cas morts, mais Gemullus lui avait joyeusement expliqué que les trodh, une fois morts et cuits, constituaient un poison mortel. | + | Gemullus n'était pas le moins du monde troublé par le fait que la caravane de marchands s'était dirigée au nord plutôt qu'au sud. Il avait même laissé Scotti partager avec lui un seau de [[Poisson|trodh]], de minuscules poissons croustillants achetés aux villageois. Scotti aurait préféré qu'ils soient cuits, ou en tout cas morts, mais Gemullus lui avait joyeusement expliqué que les trodh, une fois morts et cuits, constituaient un poison mortel. |
- Si j'étais là où je suis censé être, bougonna Scotti en enfournant l'une des petites créatures dans sa bouche, je serais en train de savourer un rôti, du fromage et un bon verre de vin. | - Si j'étais là où je suis censé être, bougonna Scotti en enfournant l'une des petites créatures dans sa bouche, je serais en train de savourer un rôti, du fromage et un bon verre de vin. | ||
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Malheureusement pour eux, la gravité étant la même dans le Marais noir que partout ailleurs sur Tamriel, leur otage, Decumus Scotti, avait continué à rouler depuis l'endroit où ils l'avaient laissé et se trouvait présent dans la rivière Onkobra, en train de se noyer. | Malheureusement pour eux, la gravité étant la même dans le Marais noir que partout ailleurs sur Tamriel, leur otage, Decumus Scotti, avait continué à rouler depuis l'endroit où ils l'avaient laissé et se trouvait présent dans la rivière Onkobra, en train de se noyer. | ||
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Version actuelle datée du 21 décembre 2017 à 09:34
Média d'origine : TES 4 : Oblivion
Par Waughin Jarth
Decumus Scotti était censé être à Gideon, une cité entièrement colonisée par l'Empire dans le sud du Marais noir, occupé à arranger des affaires destinées à améliorer le commerce dans la province pour le compte de la commission à la construction du seigneur Vanech et de ses clients. Au lieu de quoi il s'est retrouvé dans un petit village pourrissant et inondé du nom d'Hixinoag, où il ne connaissait personne. Personne, à l'exception d'un contrebandier spécialisé dans une drogue du nom de Chaero Gemullus. Gemullus n'était pas le moins du monde troublé par le fait que la caravane de marchands s'était dirigée au nord plutôt qu'au sud. Il avait même laissé Scotti partager avec lui un seau de trodh, de minuscules poissons croustillants achetés aux villageois. Scotti aurait préféré qu'ils soient cuits, ou en tout cas morts, mais Gemullus lui avait joyeusement expliqué que les trodh, une fois morts et cuits, constituaient un poison mortel. - Si j'étais là où je suis censé être, bougonna Scotti en enfournant l'une des petites créatures dans sa bouche, je serais en train de savourer un rôti, du fromage et un bon verre de vin. - Je vends du sucre de lune au nord et j'en achète au sud, répondit Gemullus en haussant les épaules. Il faut savoir se montrer flexible, mon ami. - Mes affaires ne se déroulent qu'à Gideon, protesta Scotti. - Eh bien, vous n'avez qu'une poignée de possibilités, énonça le contrebandier. Vous pourriez simplement rester ici. La plupart des villages d'Argonie ne restent pas longtemps en place et il y a une bonne chance pour qu'Hixinoag dérive jusqu'à arriver aux portes de Gideon. Cela pourrait prendre un ou deux mois. C'est sans doute le choix le plus simple. - Cela me mettrait largement en retard. - Possibilité suivante, vous pourriez rejoindre la caravane pour un nouveau voyage, dit Gemullus. Ils pourraient aller dans la bonne direction cette fois, et ne pas se retrouver embourbés ni même se faire tous décimer par des bandits nagas. - Pas vraiment tentant, grogna Scotti. D'autres suggestions ? - Chevauchez les racines. L'express souterrain, sourit Gemullus. Suivez-moi. Scotti suivit Gemullus hors du village jusqu'à un bosquet d'arbres dissimulé sous un mince voile de mousse. Le contrebandier gardait les yeux fixés sur le sol, tâtant du pied, par intermittence, la surface de la boue visqueuse. Il finit par trouver un emplacement où la pression exercée fit jaillir un nuage de larges bulles huileuses à la surface. - Parfait, s'exclama-t-il. Maintenant, le plus important est de ne pas paniquer. L'express va vous emmener vers le sud, c'est la migration hivernale. Vous saurez que vous êtes près de Gideon lorsque vous verrez beaucoup d'argile rouge. Ne paniquez pas, c'est tout, et lorsque vous verrez une masse de bulles, ce sera un trou d'air par lequel vous pourrez sortir. Scotti fixait Gemullus d'un air ébahi. Il n'avait pas compris un traître mot de ce charabia. - Quoi ? Gemullus prit Scotti par l'épaule et le plaça au-dessus de la masse de bulles. - Mettez-vous debout ici. Scotti s'enfonça rapidement dans la boue, fixant sur le contrebandier un regard horrifié. - Et souvenez-vous d'attendre de voir l'argile rouge, puis la prochaine fois que vous verrez des bulles, poussez vers le haut... Plus Scotti s'agitait pour se libérer, plus il s'enfonçait. La boue lui arrivait à présent à hauteur du cou et il continuait à fixer Gemullus sans pouvoir articuler autre chose qu'un son qui ressemblait à "Oug". - Et ne paniquez pas à l'idée que vous êtes en train d'être digéré vivant. Vous pourriez vivre plusieurs mois à l'intérieur d'un verracine. Scotti prit une dernière inspiration paniquée et ferma les yeux avant de disparaître dans la boue. Le commis sentit une chaleur inattendue tout autour de lui. En ouvrant les yeux, il découvrit qu'il était entièrement enveloppé d'une matière gluante et transparente et qu'il voyageait rapidement vers l'avant, en direction du sud, en glissant à travers la boue comme à travers les airs, le long d'un réseau complexe de racines. Scotti se sentait perdu autant qu'euphorique. Il traversait à toute vitesse cet environnement obscur et totalement étranger, tournoyait autour et au-dessus des épais tentacules fibreux des arbres. C'était comme s'il s'envolait haut dans le ciel à minuit, et non comme s'il voyageait sous le marécage par le biais de l'express souterrain. Levant légèrement les yeux vers l'énorme structure de racines au-dessus de lui, Scotti vit quelque chose s'approcher en frétillant. Une créature de huit pieds de long, sans bras, sans jambes, dénuée de couleur, de squelette et d'yeux, presque dénuée de forme, chevauchait les racines. Il y avait quelque chose de sombre à l'intérieur et, comme la chose se rapprochait, Scotti vit qu'il s'agissait d'un Argonien. Celui-ci lui fit un signe de la main et la créature répugnante dans laquelle il se trouvait s'aplatit légèrement et accéléra. A cette vision, les mots prononcés par Gemullus revinrent à l'esprit de Scotti. "La migration hivernale", "trou d'air", "vous êtes en train d'être digéré" - ces propos tournoyaient dans sa tête comme s'ils cherchaient à se faire une place dans un cerveau qui refusait de les laisser entrer. Mais il n'y avait pas d'autre manière d'analyser la situation. Scotti était passé du fait de dévorer des poissons vivants au fait d'être dévoré vivant pour profiter d'un moyen de transport. Il se trouvait à l'intérieur de l'un de ces vers. Scotti prit l'importante décision de tourner de l'oeil. Il s'éveilla en plusieurs étapes, au milieu des bribes d'un rêve magnifique au sein duquel il se lovait dans l'étreinte chaude d'une femme. Il ouvrit les yeux en souriant et la réalité de sa situation le frappa brutalement. La créature continuait à avancer aveuglément à une vitesse folle en glissant le long des racines, mais cela ne donnait plus l'impression de traverser le ciel nocturne. Non, on aurait plutôt dit que c'était l'aube, les cieux colorés de rose et de rouge. Scotti se souvint que Gemullus lui avait dit de chercher des yeux l'argile rouge qui signifierait qu'il était près de Gideon. La prochaine étape consistait à trouver les bulles. Il n'y avait de bulles nulle part. Bien que l'intérieur du ver soit toujours chaud et confortable, Scotti pouvait sentir le poids de la terre tout autour de lui. "Ne paniquez pas", avait dit Gemullus. Mais c'était une chose d'écouter son conseil et une autre de parvenir à le suivre. Scotti commença à s'agiter et la créature accéléra sous l'effet de la pression interne. Soudain, Scotti la vit : une fine spire de bulles qui s'élevait à travers la boue depuis une source souterraine, traversant les racines jusqu'à atteindre la surface au-dessus de lui. A l'instant où le verracine traversa la colonne, Scotti poussa vers le haut de toutes ses forces jusqu'à jaillir à travers la peau fine de la créature. Les bulles le projetèrent rapidement vers le haut et, avant même qu'il n'ait eu le temps de ciller, il fusa hors de la boue rougeâtre. Deux Argoniens gris se tenaient sous un arbre non loin de lui, un filet à la main. Ils décochèrent des regards polis dans la direction de Scotti. Celui-ci remarqua que plusieurs créatures à fourrure semblables à des rats s'agitaient dans leur filet. Alors qu'il s'adressait à eux, une autre de ces bestioles tomba d'un arbre. Bien que Scotti n'ait jamais entendu parler de cette pratique, il savait reconnaître une forme de pêche lorsqu'il la voyait. - Excusez-moi, mes amis, leur lança-t-il jovialement. Je me demandais si vous pourriez m'indiquer la direction de Gideon ? Les Argoniens se présentèrent comme Tire-flamme et Rouleau-de-feuilles-fraîches et échangèrent des regards, comme si la question les laissait perplexes. - Qui vous chercher ? demanda Rouleau-de-feuilles-fraîches. - Je crois que son nom est... (Scotti tentait de se remémorer le contenu du dossier de ses correspondants à Gideon, depuis longtemps avalé par le Marais noir.) L'Archéen Pied-Droit... de Rocher ? Tire-flamme hocha la tête. - Pour cinq pièces d'or, vous montre chemin. Juste à l'est. C'est plantation, est de Gideon. Très belle. Scotti songea que c'était la meilleure chose qu'il avait entendue depuis deux jours et tendit les cinq pièces d'or à Tire-flamme. Les Argoniens escortèrent Scotti jusqu'à un ruban de route boueux qui serpentait entre les roseaux et leur révéla bientôt le bleu vif de la baie de Topal loin à l'ouest. Scotti admira les magnifiques propriétés fortifiées où des fleurs d'un rouge vif s'épanouissaient au sein même de la terre composant les murs. "C'est effectivement très joli", se surprit-il à penser. La route avançait parallèlement à un cours d'eau rapide qui filait vers l'est depuis la baie de Topal. On lui apprit qu'il s'agissait de la rivière Onkobra. Elle s'enfonçait profondément dans le Marais noir, jusqu'au coeur sombre de la province. Jetant un coup d'oeil par les portails ouverts en direction des plantations à l'est de Gideon, Scotti vit que peu de champs étaient encore cultivés. La plupart contenaient des récoltes pourries encore accrochées à des vignes flétries, vergers d'arbres morts, désolés. Les serfs argoniens qui travaillaient dans les champs étaient maigres, faibles, proches de la mort. Ils évoquaient plus des esprits fantomatiques que des créatures douées de vie et de raison. Deux heures plus tard, tandis que les trois compagnons continuaient à avancer vers l'est, les propriétés gardaient leur aspect impressionnant, de loin en tout cas et la route était toujours solide, quoique mal entretenue. Mais Scotti était irrité, horrifié par l'état des cultures et des travailleurs dans les champs. Il ne se sentait plus d'humeur charitable envers cette région. - C'est encore loin ? demanda-t-il. Rouleau-de-feuilles-fraîches et Tire-flamme s'entre-regardèrent, comme si cette question ne leur était jamais venue à l'esprit. - Archéen est vers est ? s'interrogea Rouleau-de-feuilles-fraîches. Près ou loin ? Tire-flamme eut un hochement d'épaule évasif et se tourna vers Scotti : - Pour cinq pièces d'or, vous montre chemin. Juste à l'est. C'est plantation. Très belle. - Vous n'en savez rien, c'est ça ? s'exclama Scotti. Pourquoi ne pas l'avoir dit dès le début, quand je pouvais encore demander à quelqu'un d'autre ? Un bruit de sabots se fit entendre depuis le tournant de la route devant eux. Un cheval approchait. Scotti s'avança dans la direction du bruit pour saluer le cavalier et ne vit pas les mains griffues de Tire-flamme jaillir et lui jeter un sort. Il en ressentit néanmoins les effets. Un baiser de glace le long de sa colonne vertébrale, les muscles de ses bras et de ses jambes soudain immobilisés comme s'ils étaient emprisonnés dans une gangue d'acier. Il était paralysé. Le grand malheur de la paralysie, comme le lecteur aura peut-être la malchance de le savoir, est que l'on continue à voir et à penser bien que le corps ne réponde plus. La pensée qui traversa l'esprit de Scotti fut : "Bon sang". Car Tire-flamme et Rouleau-de-feuilles-fraîches étaient, bien évidemment et comme la plupart des paysans du Marais noir, des illusionnistes accomplis. Et ils n'avaient aucune sympathie pour les Impériaux. Les Argoniens balancèrent Decumus Scotti sur le bas-côté de la route juste au moment où le cheval et son cavalier tournaient au coin. C'était un personnage impressionnant, un noble arborant une somptueuse cape de la même teinte verte que ses écailles et un capuchon à jabot faisant partie de sa chair qui trônait au sommet de son crâne, telle une couronne cornue. - Salutations, frères, dit le cavalier en s'adressant à ses deux congénères. - Salutations, Archéen Pied-droit-de-Rocher, répondirent-ils. Après quoi Rouleau-de-feuilles-fraîches ajouta : - Quelles affaires sa seigneurie vient-elle mener aujourd'hui ? - Nul repos, jamais, soupira royalement l'Archéen. L'une de mes travailleuses vient de donner naissance à des jumeaux. Des jumeaux ! Heureusement, il y a un bon négociant pour ce genre de choses en ville et elle n'a pas causé trop de problèmes. Et puis il y a cet idiot d'Impérial, de la commission à la construction du seigneur Vanech, que je dois rencontrer à Gideon. Je suis sûr qu'il voudra faire le tour du propriétaire avant d'ouvrir sa bourse pour moi. Tant de soucis. Tire-Flamme et Rouleau-de-feuilles-fraîches exprimèrent leur sympathie face à ces difficultés, puis, tandis que l'Archéen Pied-droit-de-Rocher reprenait sa route, ils partirent à la recherche de leur otage. Malheureusement pour eux, la gravité étant la même dans le Marais noir que partout ailleurs sur Tamriel, leur otage, Decumus Scotti, avait continué à rouler depuis l'endroit où ils l'avaient laissé et se trouvait présent dans la rivière Onkobra, en train de se noyer.
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