Le Récit Argonien, Livre I : Différence entre versions
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Scotti esquissa un sourire qui se voulait modeste mais ne parvenait pas réellement à masquer sa cupidité. | Scotti esquissa un sourire qui se voulait modeste mais ne parvenait pas réellement à masquer sa cupidité. | ||
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- Les mouches à chair ? répéta Decumus Scotti, horrifié. Elles mangent de la chair humaine ? | - Les mouches à chair ? répéta Decumus Scotti, horrifié. Elles mangent de la chair humaine ? | ||
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Quarante-six bonds plus tard, Decumus Scotti atterrit sur les roseaux derrière Mailic et se retrouva au Marais noir. Il entendit derrière lui un bruit étrange lorsque le pont et la caisse de documents officiels de la Commission furent engloutis à tout jamais par les eaux noires et sales de la rivière. | Quarante-six bonds plus tard, Decumus Scotti atterrit sur les roseaux derrière Mailic et se retrouva au Marais noir. Il entendit derrière lui un bruit étrange lorsque le pont et la caisse de documents officiels de la Commission furent engloutis à tout jamais par les eaux noires et sales de la rivière. | ||
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Version actuelle datée du 20 septembre 2017 à 14:26
Média d'origine : TES 4 : Oblivion
Par Waughin Jarth
La Commission à la construction du seigneur Vanech se situait sur une place petite mais tout à fait respectable de la Cité impériale. Il s'agissait d'un bâtiment banal et austère, qui impressionnait plus par sa longueur prodigieuse que par son esthétique ou sa recherche architecturale. Les gens se demandaient peut-être pourquoi le seigneur Vanech éprouvait une telle fascination pour un bâtiment aussi long et aussi dépouillé, mais personne n'aurait osé lui poser la question. Dans la 398e année de l'ère Troisième, Decumus Scotti travaillait à la Commission, à un poste assez important. Cela faisait quelques mois que l'homme timide avait offert au seigneur Vanech un contrat des plus lucratifs, octroyant à la Commission l'exclusivité de la reconstruction des routes de Val-Boisé qui avaient été détruites lors de la Guerre des cinq ans. Il était ainsi devenu le favori des responsables et des employés, et passait ses journées à raconter ses aventures, de manière plus ou moins fidèle... Évidemment, il ne mentionnait jamais la fin de l'histoire, étant donné que bon nombre de ces personnes se trouvaient au dîner d'Unthrappa offert par les Silenstri pour célébrer la victoire. Il n'est jamais de très bon goût d'informer son auditoire qu'il s'est repu de chair humaine. Scotti n'était ni ambitieux, ni travailleur ; le fait que le seigneur Vanech ne lui avait rien donné à faire ne le dérangeait donc pas plus que cela. Chaque fois que le petit homme joufflu tombait sur Decumus Scotti au bureau, le seigneur Vanech déclarait : - La Commission a de la chance de vous avoir. Continuez comme ça. Au début, Scotti s'était dit qu'il aurait peut-être dû faire quelque chose, mais au fil des mois, il se contenta de répondre : - Merci, c'est ce que je vais faire. Mais il fallait songer à l'avenir. Il n'était plus jeune, et malgré son salaire respectable - surtout pour quelqu'un qui ne faisait rien, en fait - Scotti se rendait bien compte qu'il faudrait qu'il prenne sa retraite, un jour ou l'autre, et que ce salaire disparaîtrait. Il se dit alors que le seigneur Vanech pourrait le prendre comme associé pour le remercier des millions de pièces d'or qu'il avait gagnées grâce au contrat de Val-Boisé. Ou qu'il pourrait au moins lui donner un petit pourcentage de sa fortune. Decumus Scotti ne savait pas demander ce genre de choses, et c'est l'une des raisons pour lesquelles il faisait un piètre employé, du moins avant sa réussite avec le contrat de Val-Boisé. Il avait presque réussi à se persuader d'aller trouver le seigneur Vanech lorsque celui-ci lui tendit une perche tout à coup. - La Commission a de la chance de vous avoir, dit le gnome avant de s'interrompre. Vous auriez une minute à m'accorder ? Vous devez être très occupé. Scotti acquiesça et suivit sa seigneurie dans ses immenses bureaux, décorés avec un goût abominable. - Votre présence à la Commission est une bénédiction de Zenithar, continua-t-il avec emphase. Vous ne le savez peut-être pas, mais nous étions dans une bien mauvaise passe avant votre arrivée. Nous avions créé des projets impressionnants, mais aucun n'aboutissait. Dans le Marais noir, par exemple, nous essayions depuis des années d'améliorer les routes utilisées pour le commerce. J'avais mis Flesus Tijjo sur le projet. C'était mon meilleur homme, mais tous les ans, malgré d'énormes investissements de temps et d'argent, le commerce continuait à ralentir sur ces routes. Grâce à vous, nous disposons à présent du contrat de Val-Boisé, qui permet d'augmenter de façon considérable les profits de la Commission. Il est temps que vous en soyez récompensé, je pense. Scotti esquissa un sourire qui se voulait modeste mais ne parvenait pas réellement à masquer sa cupidité. - Je voudrais que vous vous occupiez du projet du Marais noir à la place de Flesus Tijjo. Scotti sursauta, comme s'il s'était réveillé en sursaut, et bafouilla : - Seigneur, je ne peux... - Balivernes, coupa le seigneur Vanech. Ne vous inquiétez pas pour Tijjo. Il sera ravi de prendre sa retraite en empochant l'argent que je lui offre, surtout après toutes les difficultés rencontrées au cours de ce projet. C'est le défi idéal pour vous, mon cher Decumus. Scotti resta muet, alors même que sa bouche tentait de prononcer le mot "Non", tandis que le seigneur Vanech lui présentait une pile de documents concernant le Marais noir. - Vous lisez vite, je suppose. Vous pourrez parcourir tout ceci sur la route. - La route ? - La route du Marais noir, bien entendu, répondit le petit homme. Vous êtes drôle. Où pourriez-vous vous rendre compte du travail qui est fait et trouver des moyens de l'améliorer, si ce n'est au Marais noir ? Le lendemain, ayant à peine touché la pile de documents, Decumus Scotti se mit en route vers le Marais noir, au sud-est. Le seigneur Vanech avait engagé un garde robuste, un Rougegarde du nom de Mailic, pour protéger son meilleur agent. Ils voyagèrent vers le sud le long de la Niben, puis au sud-est le long de la Silverfish, vers les régions sauvages de Cyrodiil, où les rivières ne portent pas de nom et la végétation semble venir d'un autre monde, loin des beaux jardins civilisés de la Province impériale du nord. Le cheval de Scotti était accroché à celui de Mailic pour lui permettre de lire en route. Il était ainsi assez difficile de suivre la route, mais Scotti savait qu'il fallait qu'il se familiarise un minimum avec les activités de la Commission au Marais noir. Vanech lui avait donné une énorme caisse de papiers datant pour certains de quarante ans, moment auquel la Commission avait reçu une fortune des mains d'un négociant extrêmement riche, le seigneur Xellicles Pinos-Revina, afin d'améliorer la condition de la route qui allait de Gidéon à Cyrodiil. A l'époque, il fallait trois semaines pour que le riz et les racines qu'il importait arrivent, à moitié pourris, dans la Province impériale. C'était beaucoup trop long ! Pinos-Revina était mort depuis longtemps, mais au fil des ans, de nombreux autres investisseurs, dont Pelagius IV lui-même, avaient commandé à la Commission la construction de routes, le drainage de marais, l'élaboration de ponts, la conceptions de systèmes anti-contrebande, l'embauche de mercenaires... Tout ce qu'il était possible de faire pour améliorer le commerce avec le Marais noir. D'après les derniers chiffres, les marchandises mettaient à présent deux mois et demi à arriver, complètement pourries pour le coup. Chaque fois que Scotti levait les yeux, il trouvait que le paysage avait changé autour de lui. Qu'il changeait énormément, et que c'était de pire en pire. - C'est Boisnoir, sire, dit Mailic. L'endroit était sombre et recouvert d'arbres. Decumus Scotti se dit que le nom avait été bien choisi. Une question le taraudait. Au bout d'un certain temps, il finit par se décider et demanda à Mailic : - Qu'est-ce que c'est que cette horrible odeur ? - C'est la Pointe du marais, sire, répondit Mailic au virage suivant, alors que le tunnel d'arbres et de lianes s'ouvrait sur une clairière. Il découvrit alors un ensemble de bâtiments officiels sinistres, dans la pure tradition architecturale de la Commission du seigneur Vanech et de tous les empereurs depuis Tiber. Les bâtiments étaient entourés d'une puanteur atroce, si terrible que Scotti se demanda tout à coup si l'odeur n'était pas empoisonnée. Évidemment, les nuées de petits insectes rouges qui grouillaient dans les airs n'amélioraient pas les choses. Scotti et Mailic repoussèrent aux mieux les nuages d'insectes en s'approchant à cheval du plus grand des bâtiments, qui était en fait perché au bord d'une large rivière noire. D'après la taille et l'aspect des bâtiments, Scotti se dit qu'il devait s'agir des bureaux de recensement et de contributions indirectes pour le grand pont blanc qui enjambait les eaux sombres et permettait d'atteindre les roseaux de l'autre côté. Il s'agissait d'un joli pont bien robuste, bâti par la Commission. Dès que Scotti frappa à la porte, un agent bougon ouvrit la porte. - Entrez vite, allez ! Ne laissez pas rentrer les mouches à chair ! - Les mouches à chair ? répéta Decumus Scotti, horrifié. Elles mangent de la chair humaine ? - Si vous êtes assez stupide pour les laisser faire, bien sûr, répondit le soldat d'un ton moqueur. Il lui manquait la moitié d'une oreille, et Scotti, observant les autres soldats présents, remarqua qu'ils avaient tous été bien grignotés. L'un d'eux n'avait quasiment plus de nez. - Alors, qu'est-ce que vous faites ici ? Scotti expliqua son affaire et ajouta que s'ils se plaçaient à l'extérieur de la forteresse, et non à l'intérieur, ils attraperaient peut-être davantage de contrebandiers. - Occupez-vous plutôt de traverser le pont, ricana le soldat. La marée monte. Si vous ne vous dépêchez pas, vous ne pourrez pas atteindre le Marais noir avant quatre jours. C'était absurde. Un pont englouti par la marée sur une rivière ? Mais Scotti vit que le soldat était très sérieux. En sortant, il vit que les chevaux, ne supportant plus les attaques des mouches à chair, avaient réussi à se libérer et s'étaient enfuis dans les bois. L'eau huileuse de la rivière atteignait déjà les planches du pont et se faufilait dans les crevasses. Scotti se dit qu'après tout, ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée d'attendre quatre jours avant d'aller au Marais noir, mais Mailic était déjà en train de traverser le pont. Scotti le suivit en haletant. Il n'était pas en grande forme physique, et ne l'avait d'ailleurs jamais été. La caisse de documents était lourde. A mi-route, il s'arrêta pour reprendre son souffle, puis se rendit compte qu'il ne pouvait plus avancer. Ses pieds étaient bloqués. La boue noire de la rivière était épaisse et gluante, et Scotti ne pouvait plus avancer. Il se mit à paniquer. Scotti leva les yeux et vit Mailic sautant de planche en planche devant lui, tout proche des roseaux qui se trouvaient de l'autre côté. - A l'aide ! cria-t-il. Je suis coincé ! Mailic ne se retourna pas et lui lança, tout en continuant sa progression : - Je sais. Vous êtes trop lourd. Decumus Scotti savait qu'il avait quelques kilos en trop, et cela faisait un certain temps qu'il songeait à manger moins et à faire plus d'exercice, mais il se demandait comment le fait de commencer immédiatement un régime allait l'aider à ce stade. Aucun régime ne pourrait le tirer d'affaire. Mais en y réfléchissant, Scotti se rendit compte que ce que le Rougegarde avait voulu dire, c'est qu'il devait abandonner les documents. Mailic lui-même avait laissé les provisions qu'il portait auparavant. Soupirant, Scotti jeta la caisse de documents de la Commission dans la rivière et sentit la planche se relever un tout petit peu, suffisamment pour lui permettre de se libérer de la boue. Fort d'une agilité née de la grande peur qui l'étreignait, Scotti se mit à sauter derrière Mailic en enjambant les planches trois par trois. Quarante-six bonds plus tard, Decumus Scotti atterrit sur les roseaux derrière Mailic et se retrouva au Marais noir. Il entendit derrière lui un bruit étrange lorsque le pont et la caisse de documents officiels de la Commission furent engloutis à tout jamais par les eaux noires et sales de la rivière.
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