Sotha Sil et le scribe : Différence entre versions

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Version actuelle datée du 10 juillet 2018 à 22:12

Média d'origine : TES Online

Par Andrunal, Devin des Vers


Le scribe se frotta les tempes, l'esprit endolori par une nouvelle nuit à tenter de faire la part entre mythes et souvenirs. Ce fut la voix de Sotha Sil qui le tira de ses pensées.

- Vous devriez vous reposer plus souvent, mon ami. Un esprit las transforme en énigme les choses les plus simples.

Le scribe leva les yeux. Comme à son habitude, Sotha Sil était là et ailleurs.

- Je ne m'attendais pas à vous revoir, dit le scribe.

Ses paroles lui parurent peut-être plus sévères qu'il ne l'avait compté. En réalité, son cœur se réjouissait de le voir.

- Vous ne pouviez pas écrire ces mots, dit Sotha Sil. Parce qu'ils m'étaient adressés ?
- Comment l'aurais-je pu ? répondit le scribe en haussant les épaules.

La question ne demandait aucune explication. Ils savaient tous les deux ce qu'ils signifiaient pour l'autre. Seht sourit. Le spectacle était rare, même avec ses amis les plus proches.

- J'aime la manière dont vous avez arrangé le jardin. Des Larmes de Roland. Très astucieux.
- C'est de la manipulation, grimaça le scribe.
- N'est-ce pas là le rôle du scribe ? demanda Sotha Sil en écartant les bras.

Cette fois, il avait décidé de leur donner à tous les deux l'apparence de la chair.

- Je voulais qu'ils vous connaissent comme je vous connais, mais les mots refusaient de venir. J'ai dû confier la tâche à un autre.
- Vous voulez dire que vous avez confié à un autre une tâche si chère à votre cœur que vous ne pouviez pas poser la plume sur le parchemin, développa Seht avec un amusement taquin. C'est un exploit, pour des gens comme nous.

Le scribe secoua la tête.

- J'avais peur de me tromper.
- Non. Vous aviez peur de ne pas être parfait. (Sotha Sil invoqua un ancien volume, et le feuilleta.) Comme toujours. Vous les aimez donc tant ?

Le scribe se releva lentement, et se tourna vers une carte de Nirn épinglée au mur de son appartement.

- Non, souffla-t-il sincère. Mais je l'aime, elle. Et elle leur appartient.
- Si cela peut vous aider, ce que j'ai dit était vrai.
- Je sais, assura le Scribe. J'ai souvent relu vos paroles.
- Vous les aimez.
- Oui.

Sotha Sil se fit apparaître un fauteuil, et s'y assit. Le scribe se tourna vers son ami, son mentor, son enfant partagé avec tant de pères.

- Venez-vous me dire au revoir, Seht ?
- D'une certaine manière, répondit le dieu sans tristesse. Une autre forme apparaîtra peut-être qui me ressemblera et jouera le rôle nécessaire dans une autre histoire. Mais je serai parti.

Le scribe hocha la tête et retourna s'asseoir. Par-dessus son écritoire, il regarda le visage de Sotha Sil et les yeux de Seht

- Ce que nous avons essayé suffira-t-il ?

Le scribe vit la compréhension en parlant. La Lumière de la Connaissance pouvait apporter le courage aux Prisonniers, mais jamais au scribe.

- Ce monde ne peut pas connaître la paix, dit Sotha Sil le Dieu. Pas plus que ses gardiens. Il ne suffira jamais, mais nous persévérons pour la beauté de l'aube, malgré les nuits les plus longues.

Ce fut Seht qui se pencha ensuite vers lui.

- Tous les parents sont convaincus de ne pas en avoir fait assez.

Le scribe réfléchit à ses nombreux regrets, mais n'en mentionna qu'un seul.

- J'ai voulu vous sauver, dit-il. Apporter un peu de poids aux mythes. Mais je ne puis arrêter ce qui est.
- Vous avez choisi de ne pas le faire, parce que vous m'aimez.

Et une fois de plus, les paroles d'un dieu furent vraies.

- Vous êtes le Père des Mystères, dit le scribe.
- Et je dois partir, que je le veuille ou non, dit Seht. Ne serait-ce que pour permettre à Sotha Sil de rester.

Le scribe hocha de nouveau la tête.

- Nous laisserez-vous des instructions ?

Le Dieu mécanique arqua les lèvres, puis répondit.

- Prenez garde au bond vers la certitude. Les Daedra Nommés possèdent de nombreux aspects. De nombreux visages. Ne laissez pas un aspect en écraser un autre, car ce sont les agents du chaos. Laisser se calcifier leur nature mènerait à l'indolence et à la ruine. Cette ère de conflit ne cessera que lorsque vous aurez dissipé tout le mensonge de leur simplicité.

Le scribe pencha la tête en un assentiment silencieux, puis rouvrit les yeux.

- Et vous, Seht ?
- J'ai vu les imperfections de tout ce que j'ai essayé, dit Seht en regardant la carte de Nirn. Même les imperfections de mes tentatives pour me débarrasser de mes imperfections. Mais je n'ai jamais pu m'empêcher de chercher. Jamais pu m'empêcher de créer. Je l'aimais trop. Je ne vous laisserai aucune instruction, à vous qui savez déjà aimer.

Le corps de Sotha Sil se dématérialisa en un millier de petites lumières. Elles dansèrent dans la pièce, illuminant livres, parchemins et cartes d'un éclat doré divin. Ce fut Seht qui eut le dernier mot.

- Je vous laisse le faire.

Un silence pesant s'installa dans la chambre du scribe, emplissant la pièce chichement éclairé d'une détermination nouvelle et solennelle. Enfin, la moue du scribe se mua en sourire, et il reprit sa plume.