Le Mystère de la Princesse Talara, livre IV

De La Grande Bibliotheque de Tamriel
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Auteur réel : Ted Peterson
Média d'origine : TES 3 : Morrowind

Par Mera Llykith


Gyna ne revit plus jamais l'agent de l'empereur, dame Brisiénna, mais elle tint parole. Prosuccus, un Lamenoire au service de l'empire, était arrivé, sous un déguisement, à la demeure du seigneur Strale. Gyna était une élève douée et, en quelques jours, il lui appris tout ce qu'elle devait savoir.

- C'est un charme des plus simples, pas ce genre de sort qui peut transformer un Daedroth enragé en chiot langoureux, signala Prosuccus. Si vous dites ou faites quoi que ce soit qui pourrait normalement offenser ou déplaire à votre cible, le pouvoir s'estompera. Il altérera temporairement la perception qu'elle a de vous, comme le font tous les sorts de l'école de l'Illusion, mais son sentiment de respect et d'admiration envers votre personne doit être alimenté par des charmes n'ayant pas grand-chose à voir avec la magie.

- Je comprends, dit Gyna en souriant et en remerciant son professeur pour les deux sorts d'illusion qu'il lui avait enseignés. Il était temps pour elle de se servir de ses deux nouveaux talents.

La guilde des Courtisanes de Camlorn était un grand palais dans l'un des riches quartiers nord de la ville. Le prince Sylon pouvait s'y rendre les yeux fermés ou totalement ivre, ce qu'il était souvent. Ce soir-là, cependant, il n'était que légèrement éméché et il décida de ne plus boire. Il était d'humeur à goûter au plaisir. Son genre de plaisir.

- Où est ma favorite, Gigia ? demanda-t-il en entrant à la maîtresse de la guilde.

- Elle était toujours en train de récupérer après votre rendez-vous de la semaine dernière, dit-elle en souriant. La plupart des autres filles sont avec des clients mais je vous ai gardé quelque chose de spécial rien que pour vous. Une nouvelle fille...que vous apprécierez sûrement.

Le prince fut conduit dans une magnifique chambre décorée de velours et de soie. Quand il entra, Gyna sortit de derrière un paravent et lança rapidement son sort, en ouvrant son esprit comme Prosuccus le lui avait appris. De prime abord, il était difficile de dire si cela avait marché. Le prince la regardait avec un sourire cruel. Puis, comme le soleil perce les nuages, sa cruauté s'évanouit. Elle était sûre qu'il était à elle. Il lui demanda son nom.

- Pour le moment, je n'ai pas encore choisi mon nom, susurra-t-elle. Je n'ai même jamais fait l'amour avec un vrai prince, ni ne suis allée dans un palais. Le vôtre est-il... grand ?

- Ce n'est pas encore le mien, dit-il. Mais, un jour, je serai roi.

- Cela serait merveilleux de vivre dans un tel endroit, roucoula Gyna. Un millier d'années d'histoire. Tout doit y être vieux et magnifique. Les peintures, les livres, les statues et les tapisseries... Votre famille conserve-t-elle tous ses vieux trésors ?

- Oui, des tas, avec plein de vieilleries ennuyeuses dans la salle des archives des chambres fortes. Puis-je te voir nue maintenant ?

- D'abord une petite conversation, bien que vous soyez libre de me déshabiller quand vous le souhaitez, dit Gyna. J'ai entendu dire qu'il y avait une salle des archives, mais elle est bien dissimulée.

- Il y a un faux mur derrière la crypte familiale, dit le prince, en saisissant son poignet et en l'attirant vers lui pour l'embrasser. Quelque chose dans son regard avait changé.

- Votre Altesse, vous me faites mal, dit Gyna en pleurant.

- Assez parlé, sale putain grogna-t-il. Contenant sa peur, Gyna laissa son esprit s'apaiser. Alors que les lèvres avides du prince touchaient les siennes, elle lança le deuxième sort qu'elle avait appris de l'illusionniste.

Le prince sentit son corps se pétrifier. Il resta immobile, regardant Gyna se rhabiller et quitter la pièce. La paralysie ne durerait que quelques minutes mais c'est tout ce dont elle avait besoin.

La maîtresse de la guilde était déjà partie avec toutes ses filles, comme le lui avaient conseillé le seigneur Strale et Gyna. Ils lui diraient quand elle pourrait revenir en toute sécurité. Elle n'avait même pas accepté l'or pour sa participation. Elle avait dit qu'il lui suffisait amplement que ses filles ne soient plus torturées par ce prince pervers et cruel.

- Quel terrible individu, pensa Gyna en se couvrant la tête de son capuchon et en se mettant à courir vers la demeure du seigneur Strale. Il est heureux qu'il ne soit jamais roi.

Le matin suivant, le roi et la reine de Camlorn accordèrent leur audience quotidienne avec les différents nobles et diplomates. Une assemblée des plus clairsemées. La salle du trône était presque vide. C'était une triste manière de commencer la journée. Entre deux requêtes, ils ne se cachaient pas pour bailler.

- Qu'est-il arrivé à toutes les personnes intéressantes ? murmura la reine. Où est notre cher enfant ?

- J'ai entendu dire qu'il fouillait le quartier nord à la recherche d'une catin qui l'a volé, gloussa le roi. Quel enfant raffiné !

- Et qu'en est-il du mage de guerre royal ?

- Je l'ai envoyé se charger d'une délicate affaire, dit le roi en fronçant le front. Mais c'était il y a une semaine et je n'ai pas eu de ses nouvelles depuis. C'est assez troublant.

- Certes, le seigneur Eryl ne devrait pas s'absenter si longtemps, s'inquiéta la reine. Que se passerait-il si un sorcier renégat venait nous menacer ? Mon époux, ne vous moquez pas de moi, c'est pour cette raison que toutes les familles royales de Hauteroche ont des mages dans leur entourage. Pour les protéger des enchantements maléfiques, comme celui dont a été victime récemment notre malheureux empereur.

- Des mains de son propre mage de guerre, ricana le roi.

- Le seigneur Eryl ne vous trahirait jamais de la sorte et vous le savez très bien. Il est à votre service depuis l'époque où vous étiez le Duc Oloïne. Oser le comparer à ce Jagar Tharn... franchement ! La reine fit un geste dédaigneux. C'est ce genre de manque de confiance qui est cause de la ruine des royaumes de Tamriel. Maintenant, au sujet du seigneur Starle, dites-moi...

- En voilà un autre qui a disparu, dit le roi l'air songeur.

- L'ambassadeur ? La reine secoua la tête. Non. Il est ici. Il était désireux de visiter les cryptes et de rendre hommage à nos nobles ancêtres. Je l'ai donc invité à s'y rendre. J'ignore pourquoi il met tant de temps. Il doit être plus pieux que je ne le pensais.

Elle fut surprise de voir le roi se lever, inquiet.

- Pourquoi ne m'avez-vous rien dit ?

Avant qu'elle ait pu répondre, l'objet de leur conversation franchissait la porte ouverte de la salle du trône. A son bras, il y avait une merveilleuse jeune femme aux cheveux blonds, vêtue d'une robe de pourpre et d'or. Elle était digne de la plus haute noblesse. Elle-même stupéfiée, la reine remarqua pourtant le regard fasciné de son époux

- J'avais entendu dire qu'il s'était entiché d'une courtisane au festival des Fleurs, pas d'une dame, murmura-t-elle. La ressemblance avec votre fille, dame Jyllia, est étonnante.

- C'est un fait, bafouilla le roi. Ou plutôt à sa cousine, la princesse Talara.

Dans la salle, les nobles murmuraient également entre eux. Bien que peu d'entre eux fussent présents à la cour vingt ans auparavant, lors de la disparition de la princesse présumée morte, certains anciens s'en souvenaient. Ce n'est pas uniquement près du trône que l'on entendait le nom de Talara.

- Seigneur Strale, voulez-vous nous présenter cette Dame ? demanda la reine avec un sourire poli.

- Dans un instant, Votre Altesse. Je crains de devoir vous entretenir d'abord d'une affaire urgente, répondit le seigneur Strale en s'inclinant.

Le roi regardait l'ambassadeur impérial en essayant de déchiffrer l'expression sur son visage. D'un revers de la main, il renvoya l'assemblée et fit fermer les portes. Il ne restait dans la salle du trône que le roi, la reine, l'ambassadeur, une douzaine de gardes royaux et la mystérieuse jeune femme.

L'ambassadeur tira de sa poche une vieille feuille de parchemin jauni.

- Votre Altesse, quand vous êtes monté sur le trône après le meurtre de votre frère et celui de sa famille, tout ce qui semblait important fut conservé par les clercs et les ministres. Ce qui ne paraissait pas important, la correspondance de votre frère par exemple, fut placé dans les archives comme le veut le protocole. Cette lettre s'y trouvait.

- Que signifie ceci ? gronda le roi. Que dit-elle ?

- Rien qui vous concerne, Votre Majesté. En vérité, au moment de la prise de pouvoir de Votre Majesté, personne ne put comprendre l'importance de cette lettre. C'était un courrier à l'empereur que votre regretté frère était en train d'écrire au moment de son assassinat. Cette lettre concerne un voleur qui était autrefois un prêtre-mage du temple de Séthiete, ici même à Camlorn. Son nom était Jagar Tharn.

- Jagar Tharn ? se mit à rire nerveusement la reine. Nous étions justement en train d'en parler.

- Tharn avait dérobé de nombreux livres contenant des puissants sortilèges oubliés, ainsi que des manuscrits concernant des artefacts comme le Bâton du Chaos, l'endroit où il était caché et la manière de s'en servir. Les nouvelles n'allaient pas vite et de nombreuses années passèrent avant que l'on sût, dans les régions occidentales de Hauteroche, que le nouveau mage de guerre de l'empereur se nommait Jagar Tharn. Le roi rédigeait cette lettre pour avertir l'empereur de la félonie de son mage de guerre impérial... mais il n'eut jamais le temps de la terminer. Le seigneur Strale brandit la lettre. Elle est datée du jour de son assassinat, en l'an 385. Quatre ans avant que Jagar Tharn ne trahisse son maître et débute dix années d'imposture impériale et de tyrannie.

- Tout ceci est très intéressant, aboya le roi. Mais qu'est-ce que cela a à voir avec moi ?

- L'assassinat de l'ancien roi est désormais une affaire concernant l'empire. Et j'ai recueilli la confession de votre mage de guerre royal, le seigneur Eryl.

Le roi devint tout pâle.

- Espèce de misérable ver de terre, personne ne peut me menacer. Ni vous, ni cette catin, ni cette lettre qui ne verra plus jamais la lumière du jour. Gardes !

Les gardes royaux dégainèrent leurs épées et s'avancèrent. Il y eut alors un soudain éclat de lumière et la salle du trône fut remplie de Lamenoires impériaux menés par Prosuccus. Ils étaient là depuis des heures, invisibles dans les ombres.

- Au nom de Sa Majesté Impériale, Uriel Septim VII, je vous arrête, claironna Strale.

Les portes s'ouvrirent et le roi et la reine, têtes baissées, furent emmenés. Gyna dit à Prosuccus où ils pourraient certainement trouver leur fils, le prince Sylon. Les courtisans et les nobles réunis dans la salle du trône regardaient médusés l'étrange procession, qui conduisait leur reine et leur roi dans leur propre prison royale. Personne ne broncha.

Lorsque enfin, on entendit une voix, elle surprit tout le monde. Dame Jyllia était arrivée à la cour.

- Que se passe-t-il ? Qui ose usurper l'autorité du roi et de la reine ?

Le seigneur Strale se tourna vers Prosuccus :

- Pourrions-nous parler en privé à dame Jyllia. Vous savez ce qu'il y a à faire.

Prosuccus acquiesça et fit refermer les portes de la salle du trône. Les courtisans se pressèrent contre les battants pour écouter ce qui se disait. Bien qu'ils n'osassent l'avouer, ils voulaient une explication au même titre que dame Jyllia.