Journal de Tsona-Ei

De La Grande Bibliotheque de Tamriel
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Média d'origine : TES Online

Par Tsona-Ei


Volume prime

Ici sont consignées les mémoires de Tsona-Ei, marin argonien et officier en second du fier vaisseau Ère d'Or.

Il n'a jamais été dans mes habitudes de tenir un journal, mais cette auguste et solennelle époque me pousse à poser la plume sur le papier. Je navigue depuis déjà bien longtemps, mais je n'ai jamais vu autant de navires que l'empereur a su en assembler.

Les Sloads, honnis de tous les peuples de Tamriel, ont contraint sa majesté à l'action par le terrible tribut que leur peste a prélevé dans chaque port occidental. Toutes les terres craignent cette épidémie portée depuis Thras par ces sangsues et leur ignoble nécromancie. Quand l'appel aux armes a retenti, l'empire tout entier a répondu comme un seul homme : galères coloviennes, corsaires rougegardes, bâtiments de ligne brétons, cotres admeri… même des corsaires du marais noir comme moi et la majeure partie de notre équipage. Jamais n'ai-je lu qu'une force comparable ait jamais fait voile de conserve.

La flotte des Toutes Voiles, voilà comment l'on nous surnomme, une flotte mixte, aux ordres du baron-amiral Bendu Olo. Nous faisons voile ensemble vers Thras. Malheur aux Sloads ! Ils ne devront la calamité qui les menace qu'à leurs propres méfaits !

Volume second

Nous avons quitté la mer Abécéenne pour entrer dans la mer des Perles, les eaux qui baignent l'archipel thrassien. Jamais mer n'a porté un nom plus mal avisé. L'enthousiasme de mon entrée précédente s'y échoue.

Depuis deux jours, nous sommes battus par des tempêtes plus violentes et cruelles que je n'en avais vues de toute ma vie. Elles semblent empirer à mesure que nous approchons de Thras. L'équipage parle de murmures impies dans le vent, et d'êtres nécrosés qui nagent entre deux eaux. Quant à moi, je suis trop malade pour voir ou entendre autre chose que mon propre mal. De toutes ces années, je n'avais jamais souffert de ce mal de mer. Cela n'augure rien de bon pour le restant du voyage.

Nous étions une flotte redoutable, aux mâts aussi drus que les armes de mon Alten Corimont natal. Aujourd'hui, j'ignore tout de notre monde. La brume, poisseuse et lourde d'une odeur de charogne, nous obscurcit la vue après deux longueurs. Nous avons frôlé des brisants, à quelques pas seulement de notre coque. À en croire les grincements et les cris qui nous parviennent parfois, d'autres vaisseaux eurent moins de chance.

La brume s'est levée, ce jour. Nous avons émergé de ce qui paraissait être un mur de nuage solide, qui s'étendait en un cercle complet autour des îles des Sloads. Notre première vue de l'île principale fut édifiante : une tour, plus haute que je n'en ai jamais vue, haute à en crever le ciel, et faite tout entière de corail d'un rouge sanglant. Une terrible lueur bleutée danse à son sommet, comme une étrange fleur sur sa tige.

Volume tierce

D'autres vaisseaux ont émergé de la brume à notre suite. L'un après l'autre, certains mal en point. Certains ne nous ont jamais rejoints, mais la flotte reste fournie. Nous nous sommes ralliés, et avons fait voile vers l'île principale.

Malgré les terribles tempêtes qui nous ont harcelés en chemin, le capitaine a tenu bon la barre. Nombre de nos camarades d'équipage auraient voulu renoncer, mais le capitaine les injuriait, et refusait de les écouter. Sa cabine se trouve juste au-dessus de la mienne, et la nuit, j'aurais juré entendre des voix démoniaques et voir des lumières irréelles. Le capitaine que j'ai connu s'est dissous dans la brume, remplacé par un spectre de colère et de haine.

Une projection du baron-amiral Olo est apparue sur notre pont. Il a parlé comme s'il ne pouvait nous voir – j'ai supposé qu'il s'agissait de quelque projection magique, à toute la flotte. Il nous a ordonné de mener les bateaux et les hommes à terre pour mettre l'île à sac et assiéger la tour par voie de terre, tandis que ses navires impériaux la bombarderont à distance. Nous nous sommes armés d'arcs et d'épées, et le capitaine nous a ordonné de descendre les canots.

Il me semble que nous étions les premiers à débarquer. Nous ne fûmes pas les derniers. Les Sloads sont de puissants nécromanciens, mais ils sont piètres combattants, et notre nombre dépassait le leur. Ils résistèrent pourtant, et moururent tandis que nous conquérions leur île. Ils murmurèrent des malédictions pour leur seigneur daedrique dans leur dernier souffle. Quant à nous, nous prîmes leur or, leurs biens et leur vie.

La lumière bleue au sommet de la tour de corail commença à battre, et à disperser son énergie dans le ciel nuageux. Quand le sol sous nos pieds commença à trembler, personne ne nous avait dit de fuir. L'île se lézarda et sombra sous les flots. La mer autour de Thras s'agita, et nous ramâmes comme des forcenés pour retourner à bord de l'Ère d'Or.

On nous hissa à bord juste à temps pour voir la Tour de corail s'enfoncer sous la mer. Nous remarquâmes trop tard le courant qui nous entraînait à sa suite. Tandis que l'œil de lumière bleue au sommet de la tour passait sous les vagues, il commença de tourner comme une grande roue, et là où il rencontrait les vagues, elles formèrent un monstrueux tourbillon. La moitié de la flotte fut entraînée, notre navire compris.

Volume quart

Je me rappelle m'être dit, tandis que le tourbillon nous avalait, que mes compagnons d'équipage et moi-même ne reverrions jamais Alten Corimont. J'avais raison, mais je n'imaginais pas à quel point. La vérité était pire que mes angoisses.

Tandis que la lumière bleue sous le maelström nous avalait, je sentis l'eau recouvrir mes écailles. Avant que la mer puisse m'engloutir, une bourrasque froide monta de sous nos pieds. Nous ne coulions plus… nous tombions ! Tandis que je me cramponnais au pont, je vis que le mur d'eau tourbillonnante avait été remplacé par un ciel noir et hanté, une étendue infinie de terre froide et morte. Et tout cela montait à notre rencontre.

Je perdis connaissance, pour me réveiller quelque temps après sur le pont. Je me rappelle avoir vu le capitaine, en conversation avec ce qui me parut être une grande bête étrange. Avant de perdre à nouveau connaissance, je me rappelle avoir vu cette bête remettre un objet au capitaine.

Lorsque je revins à moi, j'étais transformé. Mes écailles et ma peau avaient disparu, ne me laissant que des os. Le capitaine était devenu l'Amiral, et quoi qu'il nous ordonne, nous ne pouvions refuser. D'autres navires churent depuis les cieux, et notre Flotte perdue s'étoffa. Nous avons réparé l'Ère, avons creusé des tunnels et construit une ville à partir des autres épaves, tout cela sur ordre de l'Amiral.

Nous le haïssons de tout notre cœur, mais ne pouvons lui désobéir. C'est à cause de sa couronne. Je prie qu'un jour, quelqu'un vienne, capable de résister à ce pouvoir. Je prie pour que cette personne trouve ce journal, et la clef que je cache entre ses pages.